Statut Juridique des Organisations Internationales Non-Gouvernementales
Appendix 3.2 of the International Associations Statutes Series vol 1, UIA eds (1988)
The Deputy Rapporteur of the Study Committee, L Kopelmanas, (Director of Research, CNRS, Paris) prepared the following report on the legal status of international non-governmental organizations with the approval of the Rapporteur, J P Niboyet (Professor at the Faculté de Droit, Paris). The text of a proposed draft resolution for the General Assembly of the United Nations and the text of a proposed draft convention appeared as annexes to the report (see Appendix 4.6). The following text exists only in a French version. In the light of the response by the Committee to this report (see Appendix 4.7) a shorter English version was subsequently produced (see Appendix 3.3).
Rapport sur le statut juridique des organisations internationales non-gouvernementales
1. Le but du rapport. L'esprit dans lequel il a été conçu
1.1: Le Comité d'étude créé par la Conférence des organisations internationales non-gouvernementales à statut consultatif, avait chargé les rapporteurs d'élaborer un avant-projet de convention portant statut international des organisations consultatives non-gouvernementales et d'examiner en même temps la possibilité d'étendre ce statut à d'autres associations internationales à but non lucratif. Dans l'exécution de leur mandat, les rapporteurs ont surtout tenu à présenter des propositions susceptibles d'être réalisées dans l'état actuel des relations internationales. Ils se sont par conséquent efforcés de résoudre les difficultés auxquelles se heurtent le fonctionnement et même l'existence des associations internationales à but non lucratif, en recherchant des solutions juridiques qui fussent non seulement satisfaisantes du point de vue pratique, mais encore compatibles avec la structure présente de la société internationale et avec les tendances générales du droit positif. C'est, à leur avis, la seule méthode qui offre des chances de succès plus grandes que n'ont pu l'avoir dans le passé les efforts analogues, plus ambitieux, mais trop détachés des réalités de l'heure.
2. La raison d'être des associations internationales à but non lucratif
2.1: Il est difficile d'ignorer les difficultés qui pèsent sur la vie des associations internationales à but non lucratif. Il semble également certain qu'une solution efficace de ces difficultés ne peut être recherchée que sur le plan international. Après une longue discussion, le Comité d'étude sur le statut juridique des organisations internationales non-gouvernementales avait, à l'unanimité, admis la nécessité et l'opportunité d'un statut international qui donnerait à ces organisations plus de stabilité et un régime plus conforme à leurs besoins. L'analyse la plus rapide de la condition présente des associations internationales à but non lucratif permet de montrer que cette position répond exactement aux donnée juridiques et sociales du problème.
2.2: Depuis la fin du siècle dernier, on assiste dans tous les domaines de l'activité humaine à une véritable éclosion de groupements privés ayant des objectifs autres que le gain et dont l'activité n'est pas limitée au territoire d'un seul Etat. En même temps qu'augmentait leur nombre, s'étendaient considérablement le domaine d'activité, l'importance et les moyens financiers des associations internationales à but non lucratif: l'évolution était due à la croissance et à l'interpénétration toujours plus grande des rapports humains sur le plan international, auxquels était loin de correspondre la création d'institutions gouvernementales appropriées. Les individus ont été obligés de prendre eux-mêmes en mains la défense de certains intérêts, défense d'autant plus efficace qu'elle était le plus souvent assurée par des groupements. Et comme il s'agissait par hypothèse d'intérêts s'étendant à plusieurs pays, peut-être même au monde entier, les groupements privés constitués pour la défense des intérêts humains internationaux devaient nécessairement avoir un caractère international qui s'exprimait dans leur composition, dans leur objectif, dans le domaine de leur activité.
2.3: On doit d'ailleurs noter que l'apparition d'associations internationales à but non lucratif ne se justifie pas seulement par l'absence d'une action gouvernementale qui, d'ailleurs, en présentant un caractère officiel, n'offrirait pas les mêmes possibilités. Même là où il existe des institutions intergouvernementales qui se consacrent à l'administration des intérêts humains dans tel domaine particulier de la vie internationale, la constitution de groupements privés, moins soumis aux exigences de la politique et plus représentatifs des intérêts purement humains,peut apporter un correctif utile à l'action gouvernementale. Ce dernier aspect de l'activité des groupements internationaux à but désintéressé tend de plus en plus à être reconnu par les gouvernements et les institutions intergouvernementales. On peut citer par exemple l'attitude de certains Etats membres, du Gouvernement américain en particulier, ou celle de l'Organisation des Nations Unies elle-même et de ses institutions spécialisées, qui associent très largement les associations internationales à but non lucratif à l'oeuvre de la coopération internationale.
3. Les problèmes que pose l'élaboration d'un statut juridique des associations internationales
3.1: L'institution d'associations internationales à but non lucratif répond à un véritable besoin social. Mais il n'a pas été jusqu'ici possible de doter ces associations d'un régime juridique adapté aux exigences particulières de leur fonctionnement. Par définition, les associations internationales sont destinées à exercer leur activité dans plusieurs pays. Certaines d'entre elles disposent de moyens financiers puissants, dispersés dans les différents pays du monde. Elles peuvent être appelées à recevoir des dons et des legs. L'exercice de leurs fonctions peut les amener à contracter, à faire des actes de disposition, à se présenter en justice. Sur le plan juridique, ces nécessités pratiques doivent être traduites, si l'on veut que les associations internationales à but non lucratif soient en mesure de remplir convenablement leurs fonctions, par le droit pour les associations internationales d'ester en justice, de contracter, de posséder des biens, de recevoir des dons et des legs et d'exercer leur activité conformément à leur but social, dans tous les pays auxquels s'étend leur champ d'activité.
3.2: Pour aboutir à ce résultat, il s'agit de résoudre consécutivement un certain nombre de problèmes. Il faut d'abord rendre l'association capable d'être titulaire de droits et obligations, dès lors lui conférer la personnalité juridique. Sans entrer dans la discussion de ce difficile problème de la personnalité juridique et quelle que soit la position doctrinale que l'on adopte à son sujet, on peut admettre qu'en pratique, un groupement ne peut acquérir de personnalité juridique qu'à la condition d'être constitué conformément aux règles du système juridique auquel il entend se rattacher. Dans le cas d'associations internationales, on peut concevoir le rattachement soit directement à l'ordre juridique international, soit, à défaut, à un ou à plusieurs ordres juridiques nationaux. Que l'on choisisse l'une ou l'autre de ces solutions, l'acquisition de la personnalité juridique ne donnera pas encore à l'association internationale tous les moyens juridiques dont elle aura besoin pour poursuivre efficacement la réalisation de son but social. La constitution internationale de la personnalité juridique créera peut-être au profit de l'association certaines prérogatives dans ses rapports avec les organismes intergouvernementaux, mais ne lui conférera directement aucun pouvoir d'action directe. Dans la structure actuelle de la société internationale, les relations privées se jouent exclusivement dans les cadres des différents droits nationaux et c'est à chaque droit national qu'il appartient de décider, dans les limites de son propre ordre juridique, de l'attribution de la qualité de sujet de droit. L'attribution internationale de la personnalité juridique ne vaudra donc pas de plein droit dans les ordres juridiques dont se compose la société internationale. Pour devenir efficace, elle devra être reconnue par les différents ordres juridiques nationaux, chacun en ce qui le concerne. Et la situation n'est guère différente quant à la constitution nationale de la personnalité juridique des associations internationales. Cette personnalité ne vaut prima facie que dans l'ordre juridique dans lequel elle a été constituée et ne sera valable dans les autres ordres juridiques nationaux que dans la mesure ou ces derniers consentiront à la reconnaître. Une fois la personnalité juridique de l'association internationale acquise, il conviendra donc de s'assurer que cette personnalité sera reconnue dans tous les ordres juridiques nationaux à l'intérieur desquels l'association peut être amenée à revendiquer la qualité de sujet de droit.
3.3: La reconnaissance, même généralisée, de la personnalité juridique des associations internationales ne permettra toutefois pas encore à l'association de remplir entièrement la tâche en vue de laquelle elle a été créée. La personnalité juridique fonde la capacité pour effectuer certains actes juridiques, mais le fait d'être reconnue en tant que personne juridique n'autorise pas en lui-même l'association internationale à exercer librement son activité sociale. A cet effet, elle doit recevoir une autorisation spéciale. Cette autorisation encore ne peut être valablement donnée que par chaque ordre juridique national en ce qui concerne les activités qui doivent s'exercer sur son territoire.
3.4: Un statut juridique complet des associations internationales à but non lucratif doit ainsi déterminer en premier lieu une procédure tendant à constituer la personnalité juridique des associations. Il doit ensuite prévoir la façon dont la personnalité juridique des associations internationales sera reconnue dans les divers ordres nationaux. Il devra finalement comporter des mesures pour que les associations régulièrement constituées sur le terrain international, ou dans un ordre juridique particulier, puissent être autorisées à exercer leur activité sociale dans les autres ordres juridiques nationaux. Ce sont donc ces trois problèmes qu'il s'agit de résoudre, si l'on se propose de fixer le statut juridique des associations internationales à but non lucratif.
4. Les insuffisances du régime juridique actuel
4.1: En logique pure, il paraît assurément préférable d'organiser, en vue de la constitution d'associations, internationales par leur nature, une procédure qui serait également internationale dans son origine et dans sa forme. Mais pour le moment, une telle procédure fait entièrement défaut. Aussi les associations internationales à but non lucratif se trouvent-elles devant la nécessité de se constituer sous l'empire d'une loi nationale particulière ou de renoncer aux avantages qu'offre l'acquisition de la personnalité juridique. En tenant compte de cette situation, de nombreuses associations internationales ont dû prendre la forme juridique d'associations nationales du pays qu'elles ont choisi soit en raison des facilités particulières que leur offrait telle loi nationale, soit en raison du centre de gravité géographique de leurs intérêts, soit en raison des nécessités et des commodités matérielles de leur établissement.
4.2: Tout en conférant aux associations internationales la personnalité juridique, du moins sur le territoire du pays dans lequel elles se sont juridiquement constituées, la solution présente pourtant de multiples inconvénients. Par leur destination, les associations internationales doivent pouvoir agir dans plusieurs ordres juridiques nationaux. Or, la constitution de l'association dans un ordre juridique national en fait juridiquement une association nationale qui ne peut jouir de plein droit des conséquences pratiques de sa personnalité que dans l'ordre pratique auquel elle est formellement liée. Aux yeux des autres ordres juridiques nationaux, l'association prendra figure d'une association étrangère et subira le sort que chaque ordre juridique réserve aux associations de cette sorte.
4.3: Cela ne veut pas dire que l'association constituée sous l'empire d'une loi particulière ne puisse jouir d'aucun droit dans les autres ordres juridiques. Un grand nombre de législations reconnaissent en effet la personnalité des associations étrangères, à condition évidemment qu'elles possèdent une qualité équivalente dans le pays de leur constitution. Mais cette solution n'est pas générale, et même dans les pays ou elle est pratiquée, elle résulte d'une concession du législateur qui peut être retirée à tout moment. En outre, la reconnaissance de la personnalité juridique d'une association étrangère n'emporte pas nécessairement l'autorisation d'exercer son activité sociale et sur ce dernier terrain, les Etats se montrent bien plus restrictifs encore à l'égard d'associations étrangères.
4.4: A supposer même que les associations internationales, constituées sous forme d'associations nationales, obtiennent la reconnaissance de leur personnalité juridique et l'autorisation d'exercer leur activité sociale dans certains autres ordres juridiques, leur fonctionnement sera entravé par le manque d'homogénéité des conditions juridiques qui leur seront attribuées dans les divers ordres nationaux. Les législations nationales présentent à cet égard des différences considérables et ce fait jouera régulièrement dans le sens de la diminution des capacités juridiques et des pouvoirs d'action des associations internationales, puisqu'elles ne pourront prétendre à plus de droits que ne leur accorde leur ordre juridique d'origine, ni jouir de plus de prérogatives que ne possèdent les associations nationales des ordres juridiques étrangers. Ainsi, la condition juridique d'une association ne subira aucun changement, si son ordre d'origine fait aux associations une condition plus réduite que les ordres étrangers dans lequels elle est amenée à agir. Mais la capacité de l'association sera diminuée si elle entend agir dans un ordre juridique qui accorde à ses associations nationales moins de droits que ne possède dans son ordre juridique originaire l'association étrangère.
4.5: A ces difficultés d'ordre pratique, s'ajoute une grave objection de principe. La consolidation de la condition juridique de l'association internationale, par son rattachement à un ordre juridique national, semble difficilement conciliable avec la nature internationale de l'association. Obligée de fonctionner dans un milieu juridique national, l'association ne pourra se défendre à la longue contre l'emprise des influences et des traditions nationales. Le facteur humain, la prépondérance que pourront prendre dans son sein les membres nationaux de l'ordre juridique auquel elle appartient, contribuera également à la détérioration de son caractère international. En outre, bien des personnes qui consentiraient à faire partie d'une association internationale ou à lui faire des dons, hésiteront à s'associer à un groupement constitué sous l'empire d'une loi étrangère.
4.6: La réalité de ces considérations avait incité un certain nombre de groupements à préférer l'absence de tout statut juridique au rattachement à un ordre juridique national. On comprend aisément ce souci de sauvegarder le caractère international de l'association, mais toutes les associations internationales ne peuvent pas se payer ce luxe. Un congrès scientifique, une association purement intellectuelle peuvent renoncer aux avantages que confère la personnalité juridique, car leur fonctionnement peut souvent être assuré par une administration des plus rudimentaires, qui n'aurait pas besoin de la protection juridique spéciale de ses intérêts particuliers. Et même dans cette hypothèse, il convient de signaler que plusieurs institutions scientifiques internationales qui, pendant longtemps, ont fonctionné sous forme d'associations "itinérantes", sans lien formel avec aucun ordre juridique, ont dû dernièrement se décider, sous la pression des nécessités pratiques, à se mettre sous le patronage d'un système juridique national pour acquérir une personnalité distincte. Quant aux associations internationales charitables ou associations internationales fondées en vue de la protection de certains intérêts professionnels, associations amenées continuellement à accomplir des actes de la vie juridique courante, on ne peut même pas concevoir qu'elles puissent exister sans être investies des attributs de la personnalité juridique. En l'absence d'un statut international à proprement parler, toutes ces associations ou presque, ont depuis toujours accepté la seule solution que leur offre actuellement le droit positif, à savoir la constitution dans le cadre d'un ordre juridique national, avec toutes les imperfections et toute la gêne qui en résultent pour leur fonctionnement. Mais cette situation n'a pu être considérée que comme un pis aller. La réforme des conditions juridiques existantes est réclamée avec une instance de plus en plus forte par les associations internationales à but non lucratif, appartenant aux catégories les plus diverses.
5. L'impossibilité d'élaborer une réglementation internationale satisfaisante sur la base du rattachement formel des associations internationales à un ordre juridique national
5.1: Les associations internationales ne sont pas, il est vrai, toutes également intéressées à la modification de la situation actuelle. Certaines arrivent à s'en accommoder d'une façon plus ou moins satisfaisante. Si nous reprenons l'exemple d'associations scientifiques internationales qui, pour acquérir une personnalité juridique, se constituent sous forme d'associations nationales, nous constaterons que cette solution leur assure la possibilité d'établir un secrétariat permanent et de posséder dans le pays de leur établissement certains biens nécessaires à leur administration et au financement de leurs travaux. Quant à leur activité sociale, elle se passe sur un plan totalement étranger aux opérations juridiques habituelles, de sorte qu'il ne serait en fait d'aucun intérêt pour ces associations d'obtenir dans d'autres pays la reconnaissance de leur personnalité ou l'autorisation d'exercer leur activité. Et comme le rattachement des associations scientifiques internationales à un ordre juridique national n'a d'autre signification que de fournir une base juridique à leur organisation administrative, le caractère international de leur activité sociale échappe en fait au risque d'être affecté par leur nationalisation formelle.
5.2: A côté de cela, certaines associations internationales qui représentent des intérêts professionnels ou généralement humains, dont l'importance est reconnue par plusieurs Etats, obtiennent, à titre individuel et en fait, des privilèges légaux qui couvrent tous les besoins pratiques de leur fonctionnement. Ces associations ne cherchent nullement à changer l'état des choses existant. Elles n'auraient probablement qu'à y perdre, car il est à prévoir que les Etats qui consentent à leur accorder certains avantages, n'accepteraient pas de consacrer cette solution dans un texte formel et général. D'autres associations internationales enfin trouvent un palliatif à la situation actuelle dans leur structure fédérative, l'activité juridique et l'action sociale, dans les ordres juridiques nationaux autres que celui dans lequel l'organisation internationale a été elle-même constituée, étant exercées par les organisations nationales faisant partie de la fédération.
5.3: Mais il existe de très nombreuses et de très importantes associations qui, obligées d'accomplir des actes juridiques ou d'exercer une activité effective dans plusieurs ordres nationaux, ne jouissent pas d'une situation privilégiée, ni ne possèdent une structure fédérale, ou si elles sont organisées sur le mode fédéral, éprouvent tout de même le besoin d'agir en leur propre nom dans les divers ordres nationaux. Ces associations demandent naturellement, et c'est justice, que leur condition juridique soit rendue plus stable et plus certaine. Pour éviter les obstacles que les ordres juridiques, autres que celui de leur constitution, peut opposer à l'exercice de leurs droits et de leurs activités, les associations internationales pourraient être tentées de prendre la forme d'associations nationales dans chaque pays dans lequel elles voudraient pouvoir agir. La solution serait pourtant désastreuse, car l'association internationale se transformerait ainsi en une série d'associations nationales, entre lesquelles les liens risqueraient de devenir de plus en plus faibles. Dans l'état actuel du droit positif qui ne conçoit la constitution de la personnalité juridique des associations internationales que sous forme de rattachement à un ordre national, la stabilisation du statut des associations internationales ne sera effective que si tous les ordres juridiques reconnaissent aux associations internationales rattachées à un système national déterminé une certaine capacité juridique et le droit d'exercer leur activité sociale.
5.4: Ce but serait déjà atteint dans une certaine mesure si tous les législateurs, en suivant l'exemple de la loi belge du 25 octobre 1919, décrétaient que les associations internationales constituées à l'étranger, peuvent exercer chez eux, dans les limites des lois locales, les droits qu'elles tirent de leur statut national. Seulement ce serait une entreprise très longue et d'un succès bien incertain que de vouloir obtenir des Etats qu'ils prennent d'eux-mêmes des dispositions législatives dans ce sens. Et puis une série de lois nationales ne constituerait pas pour les associations une véritable garantie, le législateur étant toujours libre de modifier ou d'abroger la loi. On ne pourrait parler de stabilisation du statut juridique des associations internationales qu'à partir du moment ou la reconnaissance de leur personnalité dans les divers ordres nationaux ne résulterait plus d'une simple concession du législateur, mais serait imposée par une obligation internationale, créée dans un traité.
5.5: L'idée d'une convention internationale tendant à assurer à une association internationale, valablement constituée dans l'ordre juridique d'une des parties contractantes, la reconnaissance de leur capacité juridique et du droit d'exercer leur activité sociale dans les ordres nationaux de tous les autres contractants, avait été mise en avant dans un voeu de la Conférence internationale d'assistance aux étrangers, tenue à Paris en 1912. Elle fut reprise, à titre de solution alternative, dans le rapport sur la condition juridique des associations internationales, présenté par Nicolas Politis à la session de l'Institut de droit international de 1923. La solution consiste ici à inscrire dans une convention internationale l'engagement des Etats contractants de reconnaître, de plein droit, sur leur territoire, la personnalité des associations internationales, acquise conformément aux lois d'une des parties contractantes et de permettre à ces associations de poursuivre sur le territoire de toutes les parties contractantes les buts en vue desquels elles ont été créées, à condition toutefois de se conformer aux dispositions des lois locales. En outre, on cherche à éviter les variations que la différence des législations nationales risquerait d'introduire dans le régime juridique basé sur la reconnaissance par les Etats contractants des associations internationales valablement constituées dans l'ordre national de l'un d'entre eux. A cet effet, on se propose de fixer dans la convention un minimum de capacité juridique dont jouiraient dans les ordres juridiques de tous les Etats contractants les associations internationales reconnues, chaque Etat restant libre d'élargir cette condition considérée comme un minimum. Les associations tombant sous le coup de la convention auraient notamment partout au moins le droit d'ester en justice, de contracter, de posséder des biens meubles et, sous réserve des autorisations qui peuvent être exigées par les lois locales, de posséder des immeubles et de recevoir des dons et des legs.
5.6: De la sorte, pourraient être écartées les difficultés juridiques et pratiques auxquelles se heurte le fonctionnement des associations internationales rattachées à un ordre juridique national. Mais le système basé sur la constitution de la personnalité juridique des associations internationales par le procédé de rattachement à un ordre juridique national, ne fait pas disparaître le risque de naturalisation effective des associations, internationales par leur objet et leur nature, mais nationales dans leur forme juridique. En outre, et là l'obstacle n'est plus hypothétique, mais réel, il ne semble pas qu'une convention qui maintiendrait à la base du régime l'incorporation des associations internationales à un système juridique national et s'efforcerait exclusivement à faire reconnaître et à rendre efficace le statut national originaire dans les ordres juridiques des Etats contractants, soit pratiquement réalisable.
5.7: On peut être certain qu'invités à conférer un statut spécial aux associations internationales, les Etats n'accepteront de se lier par un texte formel que s'ils sont convaincus que ce texte ne pourra être utilisé que par un nombre réduit d'associations qui toutes sont véritablement internationales par leur nature, qui représentent des intérêts suffisamment importants et étendus pour exiger et mériter une protection spéciale sur le terrain international et dont le fonctionnement ne mettrait pas en danger l'ordre public international, ni les différents ordres publics nationaux. A cet égard, une convention de reconnaissance des associations internationales à statut juridique national n'offrirait pas de garantie véritable aux Etats contractants. Comme, du point de vue formel, le système actuel ne distingue pas entre les différentes catégories d'associations nationales, si l'on ne veut pas que toutes les associations nationales des Etats contractants puissent profiter des facilités que l'on entend uniquement offrir aux associations à caractère international, il faudrait déterminer un critère très sûr de distinction entre les associations internationales ayant pris un statut juridique national et toutes les autres associations du même statut national. Toute convention tendant à régulariser la condition juridique internationale des associations internationales à statut juridique national doit par conséquent donner une définition, aussi précise que possible, des associations considérées comme internationales.
5.8: On trouvera un essai d'une telle définition dans le Projet de l'Institut de Droit international, issu du Rapport Politis. Sont considérées comme internationales, aux termes du Projet, "les associations de caractère privé qui sont accessibles, dans les conditions fixées par leurs statuts, aux sujets et aux collectivités de plusieurs pays et poursuivent, sans esprit de lucre, un but d'intérêt international". Peut-être y aurait-il lieu de modifier la définition de l'Institut de Droit international sur un ou deux points. Il serait en effet préférable de substituer au terme d'"[associations de caractère privé]" celui, actuellement consacré, d'[associations non-gouvernementales]", qui caractérise mieux les associations volontaires en les opposant aux organisations intergouvernementales. On pourrait également tenir compte de la suggestion faite par l'auteur de l'article sur les associations internationales du Répertoire de droit international, M. Normandin, et ne considérer comme internationales que les associations dont les membres ont expressément affirmé leur intention de donner un caractère international à leur groupement. Cela aboutirait à remplacer le membre de phrase "qui poursuivent etc." par "qui entendent poursuivre". Avec ces modifications, la définition de l'Institut de Droit international contient indiscutablement l'énoncé complet des éléments qui distinguent les associations internationales d'une association ordinaire.
5.9: A en examiner de près les différents termes, on constatera immédiatement que la qualité internationale d'une association privée dépendra dans une très large mesure des intentions de ses fondateurs et de la façon dont ont été conçus et rédigés ses statuts. Il deviendrait dès lors possible à toute association nationale qui voudrait profiter des avantages offerts par la convention sur la reconnaissance de la personnalité juridique des associations internationales, à condition de rédiger les statuts de façon à apparaître comme une association internationale. On ne peut attendre, ni décemment exiger des Etats qu'ils ouvrent aussi largement leurs frontières à toutes les associations étrangères auxquelles il plairait d'utiliser ce subterfuge. L'exemple de la loi belge qui reconnaît la personnalité juridique et le droit d'agir en Belgique aux associations internationales constituées à l'étranger n'est pas probant à cet égard, puisque la loi belge se limite aux associations scientifiques internatiuonales qui présentent le moins de danger du point de vue de l'ordre public interne. La résistance des Etats serait autrement plus forte si la convention de reconnaissance devait s'appliquer aux associations charitables ou professionnelles que l'on ne peut tout de même pas exclure de l'essai d'une réglementation internationale, car c'est précisément dans leur cas que les insuffisances de la solution actuelle sont les plus fâcheuses. Il est vraiment douteux que les Etats puissent accepter une convention s'appliquant à toutes les associations étrangères, quel que soit leur objectif, à moins de garder le droit de décider souverainement eux-mêmes si l'association qui réclame sur leur territoire le bénéfice des dispositions conventionnelles est véritablement une association internationale au sens de la convention. Seulement ce serait vider la convention de toute substance, du moment qu'il serait loisible aux Etats de reprendre toutes les concessions accordées sur le plan général, en déclarant, dans les cas particuliers, que telle association ne mérite pas le qualificatif d'internationale. La convention risquerait ainsi de ne plus s'appliquer à aucune association internationale à statut national.
5.10: On pourrait évidemment prévoir que chaque association désirant profiter des dispositions de la convention, obtienne dans son ordre juridique d'origine le qualificatif légal d'association internationale. Cela obligerait les parties contractantes d'introduire dans leurs ordres internes une distinction formelle entre associations internationales à statut national et associations purement nationales. A supposer que les Etats se résignent à cette complication supplémentaire, la solution pourrait aboutir à un conflit sur l'attribution de la qualité d'association internationale entre l'ordre juridique dont l'association serait originaire et celui dans lequel elle désirerait agir. Théoriquement, il s'agirait dans ce cas d'un conflit d'interprétation des termes de la convention qui serait en tant que tel justiciable de la Cour Internationale de Justice, si en général l'interprétation de la Convention de reconnaissance doit être confiée à la Cour internationale, comme il est de règle dans la plupart des conventions modernes. En fait, on demanderait à la Cour d'établir en dernier ressort le classement des associations internationales, opération que les Etats ne seront peut-être pas décidés à lui abandonner et qui transformerait au fond entièrement la nature du système proposé. Le procédé ne consisterait plus à reconnaître internationalement la personnalité d'une association créée dans un ordre juridique national. Entre la constitution nationale d'une association et sa reconnaissance dans les autres ordres juridiques, s'intercalerait encore la reconnaissance de sa qualité d'association internationale par un accord entre les Etats intéressés ou par la décision d'un organe international. Le glissement vers la création d'une personnalité internationale indépendante des associations à caractère international paraît ici indéniable. Mais si l'on veut stabiliser la condition juridique des associations internationales tout en restant dans les cadres actuels du problème qui, pour le moment, se joue exclusivement et directement entre l'ordre juridique de l'Etat dans lequel l'association a été créée et l'ordre dans lequel elle demande à être reconnue, il ne semble pas possible d'éviter que la reconnaissance conventionnelle par les Etats de la personnalité juridique des associations internationales, constituées dans les ordres nationaux des autres pays contractants, ne profite à toutes les associations étrangères, solution inacceptable pour les Etats, ou qu'au contraire la reconnaissance, bien que promise dans un texte général, ne dépende en dernière analyse du bon vouloir de chaque Etat, solution qui ne changerait en rien la situation présente des associations internationales.
5.11: Pour cette raison, et après ample discussion des différents aspects du problème, les rapporteurs croient devoir recommander au Comité d'étude de ne pas retenir, ne fût-ce qu'à titre subsidiaire, la construction basée sur la reconnaissance conventionnelle de la personnalité juridique des associations internationales constituées dans un ordre juridique national. Devant l'impossibilité d'établir une distinction formelle valable entre les associations internationales à statut national et les associations purement nationales, la seule solution possible est de traiter, sur le plan international, les associations, internationales par leur nature, mais nationales par leur forme, comme de simples associations nationales. Le problème de leur reconnaissance dans les ordres juridiques étrangers,devrait par conséquent être lié à celui de la reconnaissance des associations étrangères. Et si l'on veut venir en aide aux associations internationales dont le fonctionnement ne peut s'accommoder de cet état de choses, il ne reste qu'à se détacher complètement de l'idée que la personnalité juridique de toute association, internationale ou interne, ne peut être constituée que dans un ordre juridique national, pour rechercher la solution des difficultés actuelles dans l'établissement d'une procédure internationale qui conférerait directement aux associations internationales un statut juridique, comportant attribution d'une personnalité et du droit d'agir dans divers ordres nationaux.
6. Les conditions de l'octroi aux associations internationales d'un statut juridique indépendant des ordres nationaux
6.1: L'élaboration d'un statut juridique fondé sur l'attribution directe de la personnalité juridique internationale aux associations internationales à but non lucratif, avait formé la préoccupation centrale du Rapport de Nicolas Politis, dont était issu le Projet de Convention adopté par l'Institut de droit international en 1923. Reprenant les travaux des Congrès des Associations Internationales de Bruxelles (1910) et de Mons (1913), ainsi que le premier projet présenté en 1912 à l'Institut de droit international par von Bar, Politis avait proposé de créer à Bruxelles une commission diplomatique permanente, assistée d'un bureau international,qui serait chargée de recevoir le dépôt des statuts des associations déjà constituées sous forme d'associations nationales ou non, mais toutes désireuses d'acquérir la personnalité juridique internationale. Le dépôt serait notifié par les soins du bureau aux Etats contractants. Pendant un délai de quatre mois, à compter de la notification, les Etats contractants garderaient la faculté de refuser, pour des raisons d'ordre public, de reconnaître la personnalité juridique de l'association enregistrée, un recours contre la décision motivée de refus étant ouvert à l'association intéressée auprès de la Cour permanente de justice internationale. Si la Cour permanente reconnaît la validité du refus, l'association ne pourra pas s'établir dans l'Etat qui aura refusé de la reconnaître, mais les actes qu'elle aura passés à l'étranger y seront reconnus dans la mesure ou ils ne seront pas contraires à l'ordre public du pays. En revanche, au cas ou le refus sera annulé par la Cour permanente de justice internationale, de même que dans les pays qui n'auront soulevé aucune objection pendant le délai de quatre mois à partir de la notification, les associations enregistrées jouiront des droits accordés par les lois locales aux associations nationales sans but lucratif. Les Puissances contractantes pourront toutefois leur accorder un traitement plus favorable et, en tout état de cause, les associations pourront ester en justice, contracter, posséder des meubles et des immeubles nécessaires à leur administration, et sous réserve des autorisations qui pourraient être requises par les lois locales, posséder des immeubles destinés à leur permettre l'accomplissement de leur but, mais ne pouvant pas être immédiatement employés à cette fin. Serait également soumis aux autorisations éventuellement exigées par les lois locales, le droit de recevoir des dons et des legs. C'est aussi dans les limites des lois locales que les associations internationales enregistrées pourraient exercer sur le territoire des Puissances contractantes leur activité sociale. La personnalité internationale accordées aux associations ne disparaîtrait qu'au cas de dissolution volontaire ou lorsque la déchéance de la personnalité juridique de l'association aurait été prononcée, soit par la Commission de Bruxelles, soit par les tribunaux du pays intéressé, selon les modalités et dans les hypothèses énumérées dans la Convention. Qu'il s'agisse de la déchéance prononcée par la Commission ou par les tribunaux d'un pays, un recours serait ouvert à l'association devant la Cour permanente de justice internationale. La déchéance décidée par la Commission de Bruxelles produirait ses effets dans tous les pays contractants, mais n'aurait pas d'effet rétroactif. Quant à la déchéance prononcée par les tribunaux d'un pays, ses effets se limiteraient au pays intéressé et seraient identiques aux effets produits par le refus de reconnaissance opposé à la notification de l'enregistrement.
6.2: On doit d'ailleurs noter que sur ces derniers points, le projet de l'Institut diffère considérablement de l'avant-projet présenté par Politis. Celui-ci avait prévu, pour les cas où il paraîtrait nécessaire de faire disparaître la personnalité internationale de l'association, non pas une procédure de déchéance, mais une procédure de dissolution. Cela l'avait amené à régler encore le problème de la liquidation des biens de l'association dissoute, article qui a été omis, faute d'objet, dans le projet de l'Institut. Selon la disposition proposée par Politis, la liquidation des biens de l'association dissoute serait effectuée par la Commission de Bruxelles conformément aux règles fixées par les statuts de l'association. Au cas où l'attribution des biens selon les statuts s'avérerait impossible, les biens de l'association dissoute seraient recueillis par la Commission qui en disposerait pour doter ou subventionner les associations internationales poursuivant un but analogue. Politis avait en outre estimé nécessaire de laisser aux Etats la possibilité de dénoncer la convention, mais en précisant que la dénonciation n'aurait pour effet que de priver les associations enregistrées de la faculté d'exercer sur le territoire de l'Etat en cause leur activité sociale, tandis qu'elles conserveraient la possibilité de s'y prévaloir de la personnalité juridique conservée dans les autres pays. Cette disposition ne fut pas non plus reprise dans le projet de l'Institut.
6.3: L'exposé sommaire du Projet Politis indique déjà l'ampleur de cet effort extraordinaire qui avait cherché à donner à tous les aspects multipoles et complexes du problème que pose l'établissement d'une personnalité juridique des associations internationales une solution efficace et cohérente. Il est pourtant resté à l'état de projet académique. Sur le plan gouvernemental, les propositions de l'Institut de droit international n'ont même pas provoqué un début de discussion. Etaient-elles tellement en avance sur les faits ?
6.4: L'idée de conférer une personnalité internationale aux groupements privés heurte évidemment la plupart des traditions acquises. Mais il n'y a certainement à cela aucune impossibilité de principe. S'il est exact que la personnalité juridique internationale n'appartient de plein droit qu'aux collectivités reconnues comme Etats, rien n'empêche les Etats de reconnaître par un traité la personnalité internationale ou certains de ses attributs aux groupements intergouvernementaux ou même aux individus. Les exemples de cette dernière éventualité ne sont peut-être pas fréquents en droit positif, mais ils existent tout de même. Et c'est exactement de cela qu'il s'agit lorsqu'on cherche à constituer la personnalité juridique internationale des associations. En admettant que cette personnalité juridique n'existe pas de plein droit, on peut recourir au procédé de la convention pour lui donner une base légale.
6.5: Seulement sur cette construction juridique se greffera immédiatement un problème d'ordre politique. De même que pour la reconnaissance de la personnalité des associations internationales constituées dans un ordre juridique national, les Etats ne peuvent raisonnablement consentir à la création d'une personnalité internationale directe des associations qu'à condition d'être certains que les avantages offerts par le statut juridique international seront réservés aux associations qui en ont réellement besoin et qui le méritent.
6.6: Nous avons déjà indiqué les qualités que les Etats seraient en droit d'exiger des associations non nationales dont on voudrait obtenir la reconnaissance dans leurs ordres juridiques nationaux. La personnalité juridique internationale devrait pouvoir être refusée au départ de toute association qui ne les posséderait pas.
6.7: A cet égard, le Projet Politis est loin de donner toutes les garanties nécessaires. L'acte central de la procédure d'acquisition de la personnalité internationale qu'il propose est constitué par l'enregistrement de l'association auprès de la Commission permanente de Bruxelles. Cette procédure comporte le dépôt des statuts, leur enregistrement par le bureau de la commission et la notification du dépôt aux Etats contractants. Il est expressément prévu que la Commission ne pourra refuser de procéder à l'enregistrement et à la notification qu'en cas d'insuffisance ou d'irrégularité des documents. Il suffirait ainsi à toute association, quelles que soient sa nature, son importance et son utilité, de rédiger ses statuts conformément aux dispositions correspondantes de la Convention pour être en droit d'exiger l'enregistrement de ses status et devenir apte à acquérir la personnalité internationale. Aucun gouvernement sérieux ne saurait adhérer à une telle construction.
6.8: Politis l'avait bien senti lui-même. C'est pour cette raison que son projet laisse aux Etats contractants la faculté de refuser de reconnaître une association enregistrée. Mais à moins de vouloir enlever toute signification au régime proposé, il n'a pas été possible de laisser aux Etats une compétence discrétionnaire en la matière. Aussi le projet Politis précise-t-il que le refus ne peut être motivé que par des raisons d'ordre public et que l'association intéressée pourra se pourvoir contre la décision de l'Etat devant la Cour permanente de justice internationale. De la sorte, on avait rendu la solution inacceptable pour les Etats. L'évolution du droit positif n'est certainement pas encore arrivée au point où il serait possible de permettre à une association privée d'actionner un Etat devant la Cour permanente. L'expérience de certains tribunaux mixtes, institués après la première guerre mondiale, n'est d'ailleurs pas de nature à faire paraître désirable une telle extension de l'action judiciaire internationale. Le compromis imaginé par Politis pour concilier le besoin de sécurité juridique des associations internationales avec les intérêts légitimes des Etats, n'avait donc aucune chance de réussir. Il semble même que ce fut là une des raisons essentielles de son échec. Mais si Politis s'était trouvé acculé à l'impasse, ce n'est pas parce que le problème ne comporte pas de solution, mais en raison de la lacune que son projet contient au point de départ. Les difficultés du projet proviennent en grande partie de ce qu'il ne prévoit pas la possibilité d'établir une discrimination entre associations habilitées à se faire enregistrer auprès d'un organisme officiel international. Et pourtant, si l'enregistrement doit produire des conséquences juridiques aussi décisives que la constitution de la personnalité internationale des associations enregistrées, il ne peut être conçu comme une simple formalité. L'organe international chargé de recevoir les demandes d'enregistrement, doit nécessairement être investi du droit de refuser toute demande qu'il jugerait inadéquate, non seulement pour vice de forme, comme l'admettait le Projet de l'Institut de droit international, mais aussi au cas où il se serait convaincu que la constitution de l'association qui demande à être reconnue comme une association internationale, n'est d'aucune utilité pour le progrès des relations internationales ou qu'elle peut même lui être nuisible.
6.9: Une tâche de cette importance ne pourrait assurément être confiée à une Commission spéciale telle que l'avait proposée Politis, ni à de simples fonctionnaires. Une Commission composée de délégués spéciaux des Puissances contractantes ou de leurs représentants diplomatiques accrédités auprès du pays du siège de la Commission, n'aurait pas eu le poids suffisant pour que sa décision sur l'attribution de la personnalité juridique aux associations internationales pût former une base incontestable de la reconnaissance de cette personnalité par les Etats contractants. Cela est encore plus vrai des décisions qu'aurait pu prendre un bureau subordonné à la Commission. La contraction de Politis doit donc être entièrement refondue sur ce point. L'enregistrement des associations internationales, créateur de leur personnalité juridique, doit être laissé aux soins d'un organisme international jouissant d'une autorité politique telle que la désignation par lui des associations dignes d'acquérir la personnalité juridique internationale puisse être acceptée sans discussion pour les Etats.
6.10: Les tendances qui s'étaient fait jour avant 1939 à résoudre la question de la personnalité juridique des Associations internationales dans le cadre de la Société des Nations répondaient par conséquent mieux aux données du problème que ce n'était le cas du Projet Politis. Mais les efforts dans ce sens s'étaient heurtés aux objections tirées des termes de l'article 24 du Pacte qui ne permettaient pas à la Société de faire une place, dans son organisation administrative, aux organismes privés, d'origine non gouvernementale. La création de l'Organisation des Nations Unies devait toutefois introduire un fait nouveau dans l'évolution de notre problème.
6.11: L'article 71 de la Charte des Nations Unies autorise en effet le Conseil économique et social "à prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations non-gouvernementales (internationales) qui s'occupent de questions relevant de sa compétence". En partant de cette disposition, le Conseil économique et social avait élaboré une procédure institutionnelle de consultation, réservée aux organisations non-gouvernementales d'une certaine importance et poursuivant, sur le plan international, des buts conformes à l'esprit, aux desseins et aux principes de la Charte des Nations-Unies. Pour pouvoir participer à ce système, les organisations qui le demandent doivent être admises par une décision souveraine du Conseil économique et social. Nous sommes ici donc en présence d'une procédure de discrimination entre les associations internationales, selon leur nature et leur importance, cette discrimination étant opérée par un organe international, jouissant d'un incontestable prestige moral et politique. Ce sont précisément les éléments qui doivent rendre possible l'établissement d'un régime international des associations à but non lucratif et dont l'absence avait compromis le succès des projets antérieurs. La façon restrictive dont le Conseil économique et social avait jusqu'ici procédé à l'octroi du statut consultatif donnerait d'ailleurs aux Etats toute assurance quant à la manière dont s'exercerait éventuellement son intervention dans la procédure de constitution de la personnalité juridique des associations internationales. Ce serait une raison de plus pour espérer que les Etats adhéreront à un système qui ferait découler la personnalité juridique des associations internationales d'un enregistrement effectué sous le contrôle du Conseil économique et social.
6.12: Il s'agirait ainsi d'utiliser la procédure qui fonctionne déjà à l'Organisation des Nations Unies en vue de l'octroi du statut consultatif et d'en étendre l'application à la création internationale de la personnalité juridique des associations internationales à but non lucratif. Mais cela ne résoudrait qu'une partie du problème. La personnalité des associations internationales constituée dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies devra encore être rendu effective dans les différents ordres juridiques nationaux. L'établissement du régime juridique des associations internationales serait en conséquence réalisé par deux opérations successives, la première s'effectuant à l'intérieur de l'Organisation des Nations-Unies, la seconde faisant l'objet d'une convention internationale.
7. La constitution de la personnalité juridique des organisations internationales non-gouvernementales à un ordre juridique national
7.1: On pourrait concevoir que ces deux opérations soient réalisées dans un seul acte international, la convention qui à la fois organiserait la procédure d'enregistrement des associations internationales auprès de l'Organisation des Nations Unies et édicterait les règles relatives à la reconnaissance des associations enregistrées dans les ordres juridiques des Etats signataires. Mais si le procédé de convention est indispensable pour donner effet au statut juridique des associations internationales dans les ordres juridiques nationaux, une décision des organes des Nations Unies suffirait pour créer la procédure d'enregistrement destiné à désigner les associations internationales qui pourront réclamer le bénéfice de la convention de reconnaissance. La base juridique d'une telle décision pourrait être trouvée dans le même article 71 de la Charte dont le Conseil économique et social s'est déjà servi pour déterminer ses rapports de consultatioon avec les organisations non gouvernementales. Ce ne serait certes pas interpréter les termes de l'article 71 plus largement que cela n'a été fait jusqu'ici que de chercher à donner aux associations internationales dont le concours aurait été jugé utile par le Conseil économique et social un statut juridique plus conforme à leur nature et plus favorable à l'épanouissement de leur activité. Et dans la mesure où l'établissement de la procédure d'enregistrement ne comportera qu'un aménagement des compétences des organes des Nations Unies dans le cadre des dispositions générales de la Charte, il semble plus logique de recourir à cet effet au procédé plus facilement réalisable de la résolution réglementaire d'un des organes intéressés.
7.2: Au point de vue juridique, rien ne s'opposerait à ce que le règlement relatif à l'enregistrement des associations désirant acquérir une personnalité internationale soit élaboré et adopté par le Conseil économique et social, de même que c'est le Conseil économique et social qui avait déjà pris sur lui d'adopter les dispositions s'appliquant à l'octroi du statut consultatif et aux privilèges qui s'y attachent. La procédure tendant à conférer à un groupement privé la possibilité d'accéder à la personnalité internationale, implique toutefois des conséquences d'une telle portée qu'il paraît opportun de lui donner la consécration d'une Résolution de l'Assemblée Générale.
Quant aux dispositions que devra contenir la Résolution de l'Assemblée générale créant la procédure d'enregistrement des Associations internationales à but non lucratif, elles seront surtout déterminées par la nécessité d'établir une discrimination entre les associations, afin de réserver le statut juridique international aux seules associations d'importance internationale et poursuivant un but digne de protection.
7.3: La discrimination résultera déjà du fait que, dans le système proposé, la constitution de la personnalité juridique des associations internationales sera rattachée à la procédure par laquelle le Conseil économique et social règle ses rapports avec les organisations non gouvernementales. Cela ne veut pas dire que la constitution de la personnalité internationale doive coïncider automatiquement avec l'octroi du statut consultatif. Il ne peut être question d'imposer aux associations d'intérêt international une forme juridique internationale. Pour de multiples raisons, une association internationale qui entend collaborer avec le Conseil économique et social et dont le Conseil juge la collaboration précieuse, peut vouloir prendre et garder une forme juridique nationale. De son côté, le Conseil économique et social peut estimer utile de consulter de temps à autre une association à but international, sans que les intérêts représentés par cette association revêtent un caractère d'importance et de permanence internationales qui justifieraient l'octroi de la personnalité juridique internationale. On peut ainsi aboutir à une situation dans laquelle une association non gouvernementale, admise au bénéfice du statut consultatif, n'obtient pas pour cela la personnalité juridique internationale, soit qu'elle n'ait pas demandé elle-même à en jouir, soit que le Conseil économique et social n'ait pas jugé à propos de la lui accorder.
7.4: La possibilité d'une dissociation entre l'octroi du statut consultatif et l'acquisition de la personnalité internationale pose toutefois un assez difficile problème d'ordre juridique. Actuellement, l'article 71 de la Charte est appliqué dans les rapports entre le Conseil économique et social et les organisations non gouvernementales, les unes de statut juridique national, les autres sans statut juridique déterminé, mais aucune ne possédant de statut juridique international. L'origine formelle du statut juridique des organisations non gouvernementales ne joue aucun rôle pour la détermination de leur statut consultatif. La différenciation est établie ici selon le caractère international ou national du but et de la structure des organisations, les relations consultatives pouvant être liées directement avec les organisations non gouvernementales, internationales d'après leur but et leur structure, tandis que les organisations purement nationales ne doivent être consultées qu'après accord avec l'Etat dont elles dépendent. Le jour où existera la catégorie nouvelle d'associations à statut juridique international et si, conformément à la proposition des rapporteurs, les associations internationales d'après leur but et leur structure, mais n'ayant pas voulu ou pu acquérir la personnalité internationale, doivent être traitées, du point de vue juridique, comme de simples associations nationales, les dispositions de l'article 71 de la Charte relatives aux organisations non-gouvernementales internationales ne pourront plus être appliquées qu'aux associations internationales d'après leur origine, l'admission au statut consultatif des associations internationales à statut juridique national devant être subordonnée à la consultation préalable de l'Etat membre dont elles ont accepté le patronage juridique.
7.5: La solution renverserait entièrement la politique suivie jusqu'ici par le Conseil économique et social dans ses rapports avec les organisations non-gouvernementales. Aujourd'hui, l'octroi du statut consultatif s'effectue en règle générale au profit d'associations qui par leur objet et par leur structure présentent le caractère d'une association internationale. L'extension de ce statut aux associations purement nationales, après consultation de l'Etat intéressé, n'est envisagée qu'à titre tout à fait exceptionnel. A partir du moment où devront être considérées comme nationales toutes les associations qui n'auront pas de statut international formel, le Conseil économique et social sera par contre amené à consulter très fréquemment les Etats intéressés pour pouvoir établir des relations consultatives avec des associations internationales par nature, mais nationales par leur origine et par leur forme. Il sera même obligé de procéder à la révision de la liste actuelle des organisations admises au bénéfice du statut consultatif, puisqu'il est probable qu'un certain nombre d'associations qui y figurent ne passeront pas dans la catégorie d'associations à statut international formel, d'où il résulterait que le Conseil ne pourra plus les maintenir sur la liste des organisations consultatives sans avoir au préalable consulté à ce sujet les Etats auxquels ces associations continueraient à être juridiquement rattachés.
7.6: Il est pourtant douteux que l'Organisation des Nations Unies consente à se charger d'une nouvelle tâche qui risquerait de provoquer un bouleversement aussi profond de ses pratiques bien établies. Et d'autre part, les associations internationales par essence répugneraient probablement à une solution qui accentuerait leur dépendance à l'égard d'un système juridique national. Elles pourraient évidemment éviter la difficulté si, en réclamant le bénéfice du statut consultatif, elles cherchaient en même temps toujours à obtenir la personnalité juridique internationale. Mais nous avons déjà signalé que parmi les associations possédant le statut consultatif ou susceptibles de l'acquérir, il y aura un grand nombre qui ne voudront pas se soumettre à l'obligation de prendre un statut juridique international. Le Conseil économique et social ne pourrait pas non plus admettre que toutes les associations, jugées dignes d'être directement admises au bénéfice du statut consultatif, doivent automatiquement recevoir la personnalité juridique internationale. Cela l'obligerait ou bien à élargir indûment la catégorie d'associations jouissant de la personnalité juridique internationale en y faisant entrer toutes les associations auxquelles il jugerait utile de confier le statut consultatif, ou bien à renoncer à la collaboration d'associations qu'il n'estimerait pas qualifiées pour être érigées en personnes juridiques de droit international.
7.7: C'est de ces deux écueils que l'on doit se garder en élaborant, dans le cadre du système de consultation du Conseil économique et social, une procédure servant à doter les organisations consultatives non-gouvernementales d'un statut juridique international. Il ne faut pas que la personnalité juridique internationale soit automatiquement conférée à toute organisation consultative, mais d'autre part les associations qui n'auront pas acquis la personnalité internationale ne devront pas être exclues de l'accession directe au statut consultatif. Pour atteindre ce résultat, il y aura lieu d'interpréter les termes de l'article 71 d'une manière moins strictement juridique et de continuer, malgré la création d'un statut spécial pour les associations internationales, à baser la distinction entre organisations internationales et organisations nationales pour ce qui est de l'octroi du droit consultatif, non pas sur la forme juridique, mais sur la nature profonde des organisations, telle qu'elle résulte de leur objet et de leur structure. La catégorie d'organisations internationales, au sens de l'article 71 de la Charte, comprendrait dans ce cas, même après la réforme du statut juridique des associations internationales, non seulement les organisations à statut international formel, mais aussi, comme auparavant, les organisations, considérées par le Conseil économique et social comme internationales, en raison de leur objet, de leur esprit, de leur structure. Le qualificatif de nationales ne serait appliqué dans cet ordre d'idées qu'aux organisations qui par leur nature ne présenteraient aux yeux du Conseil aucun caractère international.
7.8: Cette interprétation paraît d'autant plus défendable qu'à l'époque à laquelle a été rédigé l'article 71 de la Charte, il n'existait pas de statut international distinct pour les organisations non-gouvernementales. La distinction entre organisations internationales et nationales ne pouvait donc résulter, aux yeux des rédacteurs de la Charte, que d'une décision du Conseil économique et social, prise en fonction de l'idée que le Conseil se serait faite de la nature de l'organisation intéressée. Ce problème ne se posera plus pour la nouvelle catégorie d'organisations internationales, mais subsistera exactement dans les mêmes termes en ce qui concerne les organisations qui resteront régies par une loi nationale. Il serait par conséquent justifié de maintenir à leur égard la solution primitivement envisagée par les auteurs de l'article 71 de la Charte. Seulement on ne doit pas oublier que le fait pour une organisation non-gouvernementale, ne jouissant pas de personnalité internationale, d'être désignée par le Conseil économique et social comme une organisation internationale, aux fins de l'octroi du statut consultatif, ne peut constituer de base valable pour la reconnaissance de cette organisation dans les autres ordres juridiques nationaux puisque, par hypothèse, les exigences posées à la reconnaissance internationale de la personnalité d'une association, sont plus sévères que celles qui président à l'octroi du statut consultatif.
7.9: La catégorie des organisations dotées d'un statut juridique international sera ainsi, selon toute probabilité, bien plus restreinte que celle des organisations autorisées à entretenir des relations consultatives avec l'Organisation des Nations Unies. Il pourrait pourtant paraître indispensable d'étendre l'octroi de la personnalité internationale à des organisations qui ne sont pas accréditées, en tant qu'organisations consultatives, auprès du Conseil économique et social. Nous n'avons pas en vue ici la possibilité d'accorder la personnalité internationale à toutes les associations internationales à but non lucratif, sans limiter cette faveur à celles qui entretiennent des rapports suivis avec les organismes inter-gouvernementaux. C'est là un problème que nous retrouverons plus loin. Pour le moment, il s'agit de rappeler que l'institution d'organisations non gouvernementales à statut consultatif existe non seulement auprès de l'Organisation des Nations Unies elle-même, par l'entremise du Conseil économique et social, mais aussi auprès des différentes institutions spécialisées. La collaboration d'organisations non-gouvernementales avec les institutions spécialisées peut être pour le moins aussi précieuse que leur participation consultative à l'oeuvre du Conseil écononomique et social. Il serait donc justifié de faciliter le fonctionnement des organisations jouissant d'un statut consultatif auprès des institutions spécialisées, en leur accordant, lorsque cela s'avérerait nécessaire, la personnalité juridique internationale. Et pour ne pas multiplier les procédures d'octroi de la personnalité internationale, il serait normal de confier le soin de désigner les organisations dignes d'acquérir cette personnalité, qu'il s'agisse d'organisations non-gouvernementales accréditées auprès de l'Organisation des Nations Unies ou auprès des institutions spécialisées, à un seul organe. Cet organe ne pourrait être que le Conseil économique et social, puisque c'est lui qui est chargé d'établir, pour le compte de l'Organisation des Nations Unies, les relations consultatives avec les organisations non-gouvernementales et que c'est encore à lui qu'il appartient, en vertu de l'article 63 de la Charte, de s'occuper des problèmes communs des institutions spécialisées.
7.10: Il n'y a d'ailleurs pas lieu de craindre que la possibilité de conférer la personnalité internationale aux organisations non-gouvernementales coopérant avec les institutions spécialisées, augmente indûment le nombre d'organisations susceptibles d'acquérir un statut juridique international. On doit noter que la politique de certaines institutions spécialisées tend à opérer un regroupement des organisations non-gouvernementales et à ne collaborer qu'avec les organisations les plus représentatives dans chaque domaine déterminé de leur activité. Cela diminuerait déjà le nombre d'organisations non-gouvernementales qui pourraient prétendre obtenir un statut juridique international. Il est à supposer en outre que certaines des organisations possédant un statut consultatif auprès des institutions spécialisées, n'éprouveront pas le besoin d'être investies de la personnalité internationale. Et finalement, il appartiendra au Conseil économique et social d'opérer un choix parmi celles qui en réclameront le bénéfice.
7.11: La constitution, dans le cadre du système de consultation de l'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées, d'associations volontaires à statut juridique international, comporte donc en premier lieu une déclaration de volonté des associations, déjà dotées du statut consultatif et désirant acquérir une personnalité internationale et ensuite une décision du Conseil économique et social sur l'attribution de la personnalité. Les candidatures retenues devront être enregistrées et portées à la connaissance des Etats, qui, par une Convention spéciale, se seront engagés à reconnaître la personnalité des associations que le Conseil économique aura admis au bénéfice du statut juridique international. L'acte de candidature, la décision du Conseil économique et social, les formalités d'enregistrement et de notification, ce sont les éléments dont se composera la procédure destinée à permettre à certaines associations internationales, jouissant d'un statut consultatif auprès de l'Organisation des Nations Unies ou auprès d'institutions spécialisées, d'acquérir une personnalité internationale, indépendamment de tout rattachement à un ordre juridique national. La Résolution que prendrait l'Assemblée générale des Nations Unies pour établir cette procédure, devra par conséquent indiquer les solutions précises qu'il conviendra de donner aux trois points indiqués.
7.12: L'Assemblée générale pourrait se dispenser d'élaborer en détail la façon dont la formalité d'enregistrement des associations internationales serait réalisée par les services administratifs des Nations Unies. Il lui suffirait d'autoriser le Secrétaire général à ouvrir un registre sur lequel seront inscrites les organisations non-gouvernementales jugées aptes à obtenir une personnalité internationale, tout en laissant le Secrétaire général libre de désigner les organes qui seront chargés de la tenue du registre et des formalités supplémentaires. La solution la plus simple consisterait probablement à confier cette tâche à la section des organisations non-gouvernementales du Département des Affaires économiques et du Département des Affaires sociales. Mais il pourrait paraître plus conforme aux nécessités du bon fonctionnement administratif du secrétariat des Nations Unies de faire tenir le registre des organisations non-gouvernementales, dotées d'un statut juridique international, par le Département juridique, ou même de créer à cet effet un service spécial auprès du Comité de coordination des activités de l'Organisation et des institutions spécialisées.
7.13: Plus précises devraient être par contre les dispositions de la Résolution relatives aux conditions dans lequelles les organisations non-gouvernementales pourront demander à bénéficier de la personnalité juridique internationale. Il appartiendrait évidemment au Secrétaire général de recevoir toute demande à cet effet. Les demandes formulées en vue de l'acquisition de la personnalité internationale ne seraient toutefois recevables que dans la mesure où elles seraient liées à l'obtention du statut consultatif. Le Secrétaire général ne pourrait donc retenir que les demandes d'acquisition de la personnalité internationale émanant d'organisations non-gouvernementales déjà accréditées, au titre d'organisations consultatives, auprès de l'Organisation des Nations-Unies ou auprès d'une institution spécialisée, ou les demandes d'organisations non-gouvernementales ordinaires qui viseraient à la fois l'obtention du statut consultatif et l'acquisition de la personnalité internationale. Les demandes d'organisations non-gouvernementales qui n'entreraient pas dans une de ces catégories devraient être purement et simplement rejetées par le Secrétaire général.
7.14: Les demandes retenues dans ces conditions seraient soumises à l'examen du Conseil économique et social. Et pour que le Conseil économique et social puisse se prononcer en toute connaissance de cause, il est essentiel de prévoir que les demandes des organisations non-gouvernementales désirant obtenir la personnalité internationale soient accompagnées de renseignements aussi complets que possible sur leur but, leur composition, leur mode de fonctionnement. On obtiendra ce résultat en imposant aux organisations non-gouvernementales qui sollicitent l'obtention de la personnalité internationale l'obligation de déposer en même temps que leur demande, leurs statuts et en exigeant que ces statuts indiquent avec précision un certain nombre de points considérés comme essentiels. Les statuts doivent être d'autant plus complets que, comme nous le verrons plus loin, il n'y aura pas lieu d'établir de loi internationale uniforme, réglant le mode de fonctionnement et l'exercice de l'activité des associations internationales. Le souci de faire préciser la loi fondamentale du groupement auquel il s'agit de conférer la personnalité internationale, avait été partagé par tous les projets antérieurs relatifs à la condition juridique des associations internationales. Le Projet Politis contient notamment un énoncé très complet de questions que doivent obligatoirement régler les statuts des associations demandant à être reconnues comme associations internationales. On peut reprendre ce texte, en le modifiant seulement sur un point particulier.
7.15: Parmi les indications que doivent contenir les statuts des associations demandant à bénéficier du statut international, le Projet Politis mentionne "le siège temporaire ou permanent (des associations) si elles en adoptent un". Cela veut dire que le Projet de l'Institut de droit international envisage la possibilité pour une association internationale de se contenter d'un siège temporaire ou même de ne pas avoir de siège fixe du tout. Cette solution fut admise à dessein pour permettre aux associations qui le désireraient "d'éviter jusqu'à l'apparence de subir l'influence d'un Etat déterminé". Mais si le remède devait consister à enlever aux associations internationales la stabilité et la permanence de leur fonctionnement, alors que l'établissement d'un statut juridique international a précisément pour but de fonder cette stabilité et cette permanence, on peut se demander si toute la construction ne risque pas de devenir fictive. En réalité, si l'on a raison de vouloir rompre tout lien constitutif entre les associations internationales et les ordres juridiques nationaux, et le siège social est probablement un des liens les plus puissants, la solution véritable serait non pas de détruire l'élément de fixité que représente le siège de l'association, mais de le déplacer sur le terrain international. Cela ne serait peut-être pas facilement réalisable pour toutes les associations internationales. Dans le cas d'associations jouissant du statut consultatif, on pourrait toutefois envisager de fixer leur siège auprès des organisations intergouvernementales auxquelles les rattachent les rapports de consultation.
7.16: Des objections d'ordre pratique pourraient, il est vrai, être présentées à cette proposition. L'organisation des Nations Unies hésiterait probablement à accepter la domiciliation chez elle de toutes les organisations non-gouvernementales, déclarées aptes à posséder une personnalité internationale. Mais les inconvénients pratiques de cette solution sont en réalité moindres qu'ils ne paraissent à première vue. Les sièges des organisations non-gouvernementales à statut juridique international pourraient être répartis selon la concentration de leurs intérêts entre le siège central des Nations Unies et les différents centres régionaux de l'ONU. Les organisations consultatives, accréditées auprès des institutions spécialisées, éliraient d'autre part tout naturellement leur siège au siège de l'institution à laquelle elles sont rattachées. De la sorte serait évitée une concentration excessive et pratiquement irréalisable de toutes les organisations non-gouvernementales internationales au même endroit. Par ailleurs, il faudrait prévoir dans la convention portant reconnaissance par les Etats contractants des associations consultatives internationales la possibilité pour les associations reconnues d'établir un domicile auxiliaire dans les pays dans lesquels elles pourront exercer leur activité. Mais l'intérêt que présente pour les associations désirant acquérir un statut juridique international la rupture de tout lien formel avec les ordres juridiques nationaux est tellement essentiel qu'il paraît indispensable de marquer cette rupture en permettant aux associations internationales, en les obligeant même, d'élire leur siège auprès de l'organisation intergouvernementale dont elles ont obtenu le statut de consultant.
7.17: Ce sera là l'unique point sur lequel il y aura lieu de prescrire aux associations internationales la solution qu'elles devront consacrer dans leurs statuts. Pour le reste, les associations seraient libres de régler les questions devant figurer dans leurs statuts de la façon qu'elles jugeront elles-mêmes la plus adaptée au but qu'elles se sont posé. Il ne semble en particulier ni utile, ni opportun d'imposer aux associations internationales, comme tend par l'exemple à le faire le Projet de statut international proposé par la Fédération abolitionniste internationale, les règles de fond auxquelles elles auraient à se conformer en déterminant leur composition, la désignation et les compétences de leurs organes ou le mode de leur fonctionnement. La plupart des législations nationales sont ici moins ambitieuses, car elles laissent en principe aux associations toute liberté à cet égard. Et en effet, la structure et les intérêts des différentes associations à but non lucratif sont trop multiformes pour que les modalités de leur organisation puissent être ramenées à un moule unique. Le projet de la Fédération abolitionniste internationale procède du souci louable d'imprimer aux associations internationales un système d'organisation conforme aux principes d'une saine démocratie. Mais il appartiendra au Conseil économique et social d'écarter les organisations non-gouvernementales qui ne donneront pas de garanties suffisantes à ce sujet et il semble préférable de ne pas limiter les pouvoirs de décision du Conseil sur ce point par une réglementation qui risque de ne pas pouvoir s'adapter à toutes les hypothèses possibles.
7.18: Mais si, sauf en ce qui concerne leur siège, les organisations non-gouvernementales consultatives, désireuses d'acquérir la personnalité juridique internationale, restent libres quant au fond des solutions à adopter dans leurs statuts, elles seront par contre obligées de donner dans leurs statuts toutes les indications exigées par la Résolution de l'Assemblée générale. Une demande qui ne serait pas accompagnée du dépôt des statuts ou qui serait accompagnée du dépôt d'un statut incomplet, serait irrecevable. On pourrait prévoir que le service du Secrétariat des Nations Unies, chargé par le Secrétaire général des formalités d'enregistrement, devra attirer l'attention de l'organisation intéressée sur le caractère incomplet de ses statuts et l'inviter à les compléter. Tant que des statuts répondant à toutes les questions posées par la Résolution de l'Assemblée générale ne seront pas produites à l'appui de la demande, celle-ci ne pourrait en tout cas être transmise au Conseil économique et social.
7.19: L'examen par le Conseil économique et social des mérites propres de chaque demande tendant à l'obtention de la personnalité juridique internationale s'effectuerait dans la cadre du mécanisme que le Conseil a déjà élaboré en vue de l'octroi du statut consultatif. Les demandes des organisations consultatives désirant accéder au bénéfice du statut juridique international subiraient donc d'abord l'examen préalable du Comité permanent des organisations non-gouvernementales du Conseil économique et social. La décision finale serait ensuite prise par le Conseil lui-même, dans les conditions habituelles du vote, c'est-à-dire à la majorité simple des membres présents et votant. Il suffirait ainsi de renvoyer, pour la fixation de la procédure en matière de l'octroi aux organisations consultatives non-gouvernementales de la personnalité juridique internationale, aux règles en vigueur pour l'octroi du statut consultatif, telles que les ont définies les différentes Résolutions du Conseil économique et social.
7.20: C'est également la pratique actuelle du Conseil économique et social en matière d'octroi du statut consultatif qui fixera en grande partie les principes en vertu desquels sera déterminée la capacité d'une organisation non-gouvernementale d'accéder au statut juridique international. Le Conseil économique et social n'accorde le statut consultatif qu'aux organisations non-gouvernementales qui possèdent une structure internationale, qui poursuivent un but véritablement international et qui représentent des intérêts suffisamments importants. Sont par ailleurs écartées du bénéfice du statut consultatif les organisations dont les buts ne seraient pas conformes à l'esprit, aux desseins et aux principes des Nations Unies, ou qui se seraient discréditées pour avoir participé de façon indiscutable à des activités fascistes, ou qui entretiendraient certains rapports légaux, à déterminer par le Conseil, avec l'Espagne franquiste. De la pratique du Conseil économique et social résulte ainsi une définition des organisations non-gouvernementales qu'il considère comme internationales, ainsi qu'un ensemble de conditions que ces organisations doivent remplir pour être admises dans la catégorie d'organisations consultatives. Aussi bien la définition que les conditions tendant à éliminer les associations qui ne présentent pas toute garantie voulue de sécurité morale et politique, de sérieux et d'importance, valent également, et à plus forte raison encore, pour l'octroi de la personnalité internationale. Dans la Résolution ayant pour but de fonder le statut juridique international des organisations consultatives, on peut donc se dispenser de les rappeler autrement que par un renvoi général aux principes qui guident le Conseil économique et social dans ses décisions relatives à l'octroi du statut consultatif.
7.21: L'assimilation des deux procédures ne serait toutefois pas absolue. Certaines dispositions relatives à l'octroi du statut consultatif, comme la division des organisations consultatives en trois catégories A, B et C, selon l'intensité des rapports de consultation, d'où il résulte des différences assez notables dans les avantages offerts aux organisations faisant partie de ces différents groupes, ne concerne que le contenu et la forme des rapports consultatifs et ne sauraient avoir de conséquences pour l'acquisition de la personnalité internationale. En revanche, l'octroi de la personnalité internationale suppose que les organisations non-gouvernementales possèdent des qualités dont on peut faire abstraction lors de l'établissement des rapports consultatifs. C'est ainsi qu'en accordant le statut consultatif, le Conseil économique et social ne tient compte que de l'utilité immédiate que présente pour lui la collaboration avec l'organisation intéressée, sans se préoccuper de la question de savoir si cette utilité est vraiment durable. Aussi l'octroi du statut consultatif n'est-il consenti en principe que pour une période déterminée et doit être soumis à révision à des intervalles réguliers. La personnalité internationale est par contre destinée à fonder une situation stable et ne devrait normalement disparaître que dans certaines circonstances bien délimitées. Elle ne saurait par conséquent être conférée qu'à des organisations présentant un degré suffisant de permanence et de stabilité de fait, qualités qui s'ajoutent, dans la liste des conditions auxquelles est subordonné l'octroi du statut juridique international, à toutes celles qui sont exigées des organisations non-gouvernementales, demandant à obtenir le bénéfice du statut consultatif. En outre, si l'on tient à limiter le nombre d'organisations jouissant du statut juridique international, le Conseil économique et social ne devrait accorder la personnalité internationale qu'aux associations dont l'activité lui paraîtra vraiment entravée par l'absence du statut international. En étendant à la constitution de la personnalité internationale des organisations non-gouvernementales les directives qui régissent l'octroi du statut consultatif, la Résolution de l'Assemblée générale relative au statut juridique des organisations non-gouvernementales devrait ainsi préciser que la personnalité internationale pourrait être conférée indifféremment à toutes les organisations consultatives, qu'elles fassent partie des catégories A, B ou C, mais qu'aucune organisation consultative ne saurait prétendre à être investie de la personnalité internationale si elle ne possède pas de structure centrale permanente, fortement charpentée et assurée d'un avenir durable, et si, d'autre part, la personnalité internationale s'avère indispensable à la réalisation parfaite de ses buts.
7.22: C'est en fonction de ces différents éléments qui lui laissent d'ailleurs un large pouvoir d'appréciation que le Conseil économique et social prendrait ses décisions sur l'aptitude des organisations consultatives à posséder une personnalité internationale. Ses décisions sur ce point seraient définitives et sans appel. Pas plus qu'il n'a été question de soumettre à révision les Résolutions du Conseil concernant l'octroi du statut consultatif, il ne semble concevable d'ouvrir un appel contre les décisions relatives à la personnalité internationale des organisations consultatives, du moment que ces décisions émanent du seul organe des Nations Unies ayant la charge des relations avec les organisations non-gouvernementales. Il est vrai que l'activité du Conseil économique et social est en principe subordonnée à l'autorité de l'Assemblée générale. Mais l'autorité de l'Assemblée générale s'exerce sur l'ensemble des activités du Conseil et il n'apparaît pas conforme à la Charte, ni à la pratique établie de l'Organisation de Nations Unies, de la mettre en jeu à propos de chaque décision particulière.
7.23: Par contre, il serait utile de laisser aux organisations non-gouvernementales, dont le Conseil économique et social aurait rejeté la demande tendant à obtenir la jouissance de la personnalité internationale, la possibilité de soumettre, passé un certain délai, leur situation à un nouvel examen du Conseil, de même qu'il est admis que les demandes rejetées de statut consultatif peuvent être à nouveau soumises au Conseil économique et social après un délai d'au moins dix-huit mois à partir de la décision de rejet. Cette solution serait automatiquement étendue aux requêtes formulées en vue de l'obtention de la personnalité internationale au cas où la demande rejetée par le Conseil aurait porté à la fois et sur l'octroi du statut consultatif et sur l'obtention de la personnalité internationale. Dix-huit mois après cette décision, l'organisation non-gouvernementale concernée pourrait formuler une nouvelle requête tendant au même double but. Mais on doit en outre prévoir l'hypothèse dans laquelle le Conseil économique et social accorderait à une organisation non-gouvernementale le bénéfice du statut consultatif, mais ne la jugerait pas apte à posséder la personnalité internationale. Dans ce cas, il semblerait justifié de donner à l'organisation, ayant déjà acquis le statut consultatif, une nouvelle chance pour l'acquisition de la personnalité internationale, après le même délai de dix-huit mois, pendant lequel l'organisation pourrait soit faire la preuve de sa qualification, soit modifier les statuts sur les points qui auraient soulevé des objections de la part du Conseil économique et social.
7.24: Lors de l'examen par le Conseil économique et social des demandes tendant à l'obtention de la personnalité internationale, il conviendrait de donner aux Etats membres de l'Organisation des Nations Unies l'occasion de manifester leur opinion au sujet de la demande. Cette pratique est déjà introduite dans la procédure d'octroi du statut consultatif, la liste des demandes étant communiquée par le secrétariat des Nations Unies aux Etats membres, avant que le Comité permanent des organisations non-gouvernementales du Conseil économique et social n'en fasse l'étude. L'introduction de cette formalité dans la procédure de constitution de la personnalité internationale des organisations non consultatives paraît encore bien plus indispensable puisque, par le truchement de la Convention portant reconnaissance de la personnalité juridique des organisations non consultatives, cette personnalité sera appelée à produire des conséquences de toute première importance dans les ordres juridiques des Etats contractants. Il sera d'ailleurs probablement plus facile d'obtenir des Etats des concessions au profit d'associations investies de la personnalité internationale si ces Etats ont pu participer, dans une certaine mesure, à l'établissement même de cette personnalité. Et si l'on entend ouvrir la Convention sur le statut juridique des organisations consultatives à l'adhésion non seulement des Membres des Nations-Unies, mais également des Etats non membres, ces derniers devront également être invités à manifester leur opinion sur les mérites des requêtes présentées par les organisations non-gouvernementales en vue d'obtenir la personnalité internationale. Des dispositions à cet effet devraient par conséquent figurer dans la Résolution de l'Assemblée générale relative à la constitution de la personnalité internationale des organisations consultatives. Les modalités de l'intervention des Etats intéressés dans la procédure d'octroi de la personnalité internationale devraient même être précisées de façon à rendre cette intervention réellement efficace. Il pourrait par exemple être spécifié que le service compétent du secrétariat des Nations Unies, avant de transmettre les requêtes, reconnues recevables au Conseil économique et social, en informerait les Membres des Nations Unies et les Etats non membres ayant adhéré à la Convention portant reconnaissance de la personnalité internationale des organisations consultatives. Le Conseil économique et social, ou plus précisément son Comité permanent des organisations non-gouvernementales, n'entreprendrait l'examen des requêtes dont il serait saisi qu'après un certain délai, que l'on pourrait fixer à quatre mois. Pendant ce délai, les Etats intéressés pourraient faire part au Conseil de leurs observations dont le Conseil tiendrait compte dans son examen. On peut accepter comme certain que le Conseil économique et social n'accordera pas la jouissance de la personnalité internationale à une organisation dont la candidature aurait soulevé des objections fondées de la part des Etats parties à la Convention.
7.25: Si, sur la base des documents soumis par l'organisation consultative et à la lumière des observations présentées par les Etats, le Conseil économique et social décide que l'organisation en question est digne d'être investie de la personnalité internationale, celle-ci sera inscrite sur le registre spécial, ouvert au secrétariat des Nations Unies. La section du secrétariat, chargée par le Secrétaire général des formalités relatives à la constitution de la personnalité internationale des organisations consultatives, devrait notifier l'enregistrement à tous les Etats parties à la Convention de reconnaissance, en leur communiquant une copie conforme des statuts déposés. Le détail de ces formalités d'enregistrement, de dépôt et de notification a été minutieusement réglé dans le Projet Politis et l'on pourrait reprendre ses dispositions qui s'y rapportent. On peut en tirer également les dispositions relatives à l'obligation pour l'organisation non-gouvernementale enregistrée de communiquer au service chargé de la tenue des registres la concernant, la liste de ses représentants successifs, le relevé général de ses comptes financiers à la fin de chaque exercice ainsi que toutes les modifications de ses statuts.
7.26: Sur ces derniers points, il y aurait toutefois lieu de compléter les solutions données par le Projet de l'Institut de droit international, pour tenir compte des nécessités du contrôle que le Conseil économique et social devra exercer sur l'activité des organisations consultatives enregistrées, préoccupation qui était absente des projets antérieurs, mais qui forme la pièce maîtresse du système proposé. A cet effet, il semble indispensable de prévoir qu'à la fin de chaque année, l'organisation enregistrée adressera au Secrétariat des Nations Unies, aux fins de transmission au Conseil économique et social, non seulement un rapport financier, mais aussi un rapport général d'activité. En outre, comme les modifications des statuts pourront modifier les conditions en fonction desquelles la personnalité internationale avait été accordée à l'organisation consultative, elles ne pourront pas entrer en vigueur automatiquement après leur dépôt, mais uniquement après avoir été approuvées par le Conseil économique et social. C'est pourquoi il faudrait adopter pour la mise en vigueur des modifications aux statuts des organisations enregistrées la même procédure qui servira à la constitution de la personnalité originaire des organisations consultatives. Cela veut dire que si les organisations enregistrées au Secrétariat des Nations Unies se proposent de modifier leurs statuts, elles devront adresser un projet de modification au service du Secrétariat chargé de la tenue des registres relatifs aux organisations consultatives à statut juridique international. Le projet des modifications serait communiqué aux Etats intéressés et au Conseil économique et social, ce dernier se réservant l'examen jusqu'à ce que les Etats consultés aient eu le temps de présenter leurs observations au sujet des modifications projetées. Le refus d'approbation du Conseil économique et social placerait l'organisation dont il concernerait les projets de modification des statuts, devant l'alternative de maintenir ses statuts primitifs dans leur intégralité ou de renoncer à la personnalité internationale. Les modifications admises par le Conseil seraient transcrites sur le registre du Secrétariat des Nations Unies et notifiées aux Etats parties à la Convention de reconnaissance. Elles entreraient en vigueur à la date de la transcription.
7.27: L'enregistrement et le dépôt des statuts au Secrétariat des Nations Unies devraient former l'unique fondement de l'existence juridique des organisations consultatives admises au bénéfice du statut juridique international. Ici la construction proposée se sépare résolument du régime qui avait été consacré par le Projet de l'Institut de droit international. Le Projet Politis avait estimé possible d'autoriser les associations enregistrées à cumuler la personnalité internationale avec la personnalité juridique qu'elles auraient acquises dans un ordre juridique national. C'était aller à l'encontre de l'idée fondamentale qui seule pouvait justifier l'élaboration d'un régime juridique spécial des associations internationales. S'il a pu paraître nécessaire de doter les associations, internationales par essence, d'un statut juridique international, c'était uniquement pour leur assurer une certaine stabilité et surtout une indépendance à l'égard des ordres nationaux particuliers. Admettre qu'une association dotée de la personnalité internationale directe, puisse garder en même temps un statut juridique national, serait pourtant aboutir à une situation dans laquelle l'association internationale pourrait être, dès l'origine, soumise à deux régimes juridiques différents, peut-être contradictoires. Aucun des buts que l'on recherche dans l'établissement du régime international des associations internationales, ne serait atteint dans ce cas. Aussi paraît-il indispensable d'exiger des organisations non-gouvernementales, admises au bénéfice du statut international, qu'elles renoncent, s'il y a lieu, à la personnalité qu'elles auraient acquise dans un ordre juridique national. La clarification nécessaire de la situation devrait avoir lieu entre la décision favorable du Conseil économique et social, moment à partir duquel l'organisation est assurée d'obtenir la personnalité internationale, et son inscription sur le registre du Secrétariat des Nations Unies, date à laquelle la Résolution de l'Assemblée générale relative à la constitution de la personnalité internationale des organisations consultatives devrait par conséquent imposer aux organisations admises au bénéfice du statut juridique international l'obligation de donner, dès qu'elles auront été informées de la décision favorable du Conseil économique et social à leur égard, l'assurance qu'elles ne possèdent de personnalité juridique dans aucun ordre juridique national, ou bien, au cas où elles auraient été précédemment constituées conformément à la loi d'un Etat particulier, qu'elles ont pris toutes les mesures nécessaires en vue de faire disparaître leur personnalité juridique nationale. Ce n'est qu'après avoir reçu cette assurance que le service des Nations Unies, chargé du registre des organisations consultatives à statut juridique international, pourrait procéder à l'enregistrement de l'organisation bénéficiaire de la décision favorable du Conseil économique et social.
7.28: Le rattachement exclusif à l'ordre juridique international rendra plus facile la solution des problèmes posés par la disparition de la personnalité internationale des associations jouissant d'un statut juridique international. L'avant-projet de Politis parlait, nous l'avons déjà dit, de dissolution des associations internationales ayant commis des actes contraires aux dispositions de leurs statuts ou ayant contrevenu à certaines obligations que leur impose la concession du régime juridique international. Seulement, il a été fait remarquer que la personnalité internationale pouvait se superposer à la personnalité juridique conférée à l'association par un ordre juridique national et qu'il n'appartenait pas à un organisme international de faire disparaître la personnalité juridique nationale. En conséquence, le projet définitif de l'Institut de droit international avait remplacé la dissolution de l'association fautive par une simple déchéance de sa personnalité internationale, l'association frappée de cette mesure pouvant continuer son existence en tant qu'association nationale, à moins d'être dissoute par l'Etat auquel elle était juridiquement rattachée. La déchéance n'entraînait la dissolution de l'association qu'au cas où elle aurait été prononcée par les tribunaux du pays dans lequel l'association aurait son siège, car de la sorte, l'association aurait perdu même sa personnalité juridique nationale et cesserait d'exister en fait.
7.29: La situation apparaîtra bien plus claire dans l'hypothèse où pour jouir de la personnalité internationale, les organisations non gouvernementales seraient obligées de renoncer à la faculté de posséder en outre une personnalité juridique de droit national. Privées de leur personnalité internationale, les organisations enregistrées ne posséderaient donc plus de personnalité du tout et se trouveraient dans la situation de groupements effectivement dissous. Dans le système proposé, la sanction touchant la personnalité internationale des organisations enregistrées ne pourrait être qu'une mesure de dissolution et comme il s'agit là d'une mesure très grave, il conviendrait d'en délimiter avec soin les modalités d'application.
7.30: On se rappelle que l'avant-projet de Politis et le Projet de l'Institut de droit international prévoyaient que les sanctions contre la personnalité internationale des associations enregistrées, aussi bien la déchéance que la dissolution, pouvaient être prononcées, soit par l'organe international, en cas de manquements de portée générale, soit par un Etat intéressé lorsque l'activité de l'association apparaissait contraire à son ordre public national. La sanction prononcée par l'organe international produisait ses effets dans tous les ordres juridiques des Etats parties à la Convention sur la reconnaissance de la personnalité internationale des associations enregistrées, la sanction prononcée par un tribunal national se limitait à l'ordre juridique du tribunal, sous réserve déjà signalée du cas où l'association serait frappée de la sanction dans le pays de son siège. Seulement la solution des projets dus à Politis était manifestement basée sur une confusion entre deux ordres de problèmes foncièrement différents. Lorsque la sanction contre la personnalité internationale d'une association enregistrée émane de l'organe international compétent et vaut dans tous les ordres juridiques intéressés, c'est l'existence même de l'association en tant qu'association internationale qui se trouve en cause. Par contre, l'action d'un ordre juridique national ne peut aboutir qu'à la disparition de la personnalité nationale d'une association, problème qui ne se pose pas dans un système dont la personnalité juridique nationale des associations enregistrées est déjà écartée au point de départ, ou encore au refus de reconnaître, pour des raisons d'ordre public, la personnalité d'une association, ce qui remet en question une reconnaissance précédemment accordée, mais n'affecte pas l'existence de l'association enregistrée en tant qu'entité juridique de droit international. Les conditions dans lequelles un Etat peut retirer la reconnaissance qu'en adhérant à la Convention relative au statut juridique des organisations enregistrées, il s'était engagé à accorder à ces dernières, doivent assurément faire l'objet d'un examen attentif. Mais c'est là une question que l'on ne peut résoudre que dans le cadre du problème général de l'attitude des Etats à l'égard des organisations investies de la personnalité internationale. Lorsqu'il s'agit de prendre une sanction tendant à mettre fin à la personnalité internationale des organisations consultatives enregistrées, seule doit être retenue leur dissolution par les organes internationaux compétents.
7.31: Suivant les projets de Politis, la dissolution ou la déchéance des associations enregistrées pouvait intervenir, à titre de sanction, par voie d'autorité, 1. si l'association faisait de ses revenus et capitaux un emploi contraire aux prévisions de ses statuts, 2. si elle devenait notoirement insolvable, 3. si elle négligeait délibérément de communiquer aux organes internationaux compétents la liste de ses représentants et le relevé général de ses comptes de recettes et de dépenses, et 4. si, s'écartant de son but, elle poursuivait, dans un ou plusieurs pays, une activité contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs de ces pays. De ces causes de dissolution, la deuxième, l'insolvabilité notoire de l'association, avait provoqué bien des critiques. Et en effet, bien des associations à but non lucratif ne possèdent guère de capital et vivent des contributions souvent irrégulières de leurs membres ; d'autres peuvent être insolvables à un moment donné mais espérer être renflouées par la suite. Il serait vraiment excessif de prononcer dans ce cas leur dissolution. Cette cause de dissolution semble donc devoir être abandonnée. Le point n° 4, qui dans le Projet Politis fondait d'ailleurs l'intervention, écartée dans le système proposé, des tribunaux nationaux, ne forme en réalité qu'une application particulière d'une idée plus générale mentionnée sous le n° 1, à savoir que l'association enregistrée ne doit plus jouir de la personnalité internationale si elle ne se conforme pas, dans son fonctionement ou dans son activité, à son but ou à d'autres dispositions essentielles de ses statuts. C'est sous cette forme générale que la cause de dissolution en question pourrait être reprise dans le système établi par la Résolution proposée de l'Assemblée générale. De même, il y aurait lieu d'étendre le troisième point du Projet Politis à l'inobservation de toute obligation quelconque imposée aux organisations enregistrées par le statut régissant leur condition juridique internationale. Ainsi, en dehors de l'hypothèse où une organisation consultative enregistrée se dissout volontairement, sa dissolution pourrait être prononcée en cas de manquement soit aux dispositions essentielles de ses propres statuts, soit aux obligations qui lui incombent en vertu du statut internatioal auquel elle doit son existence.
7.32: Reste à déterminer les conséquences que produirait sur l'existence juridique d'une organisation enregistrée le refus du Conseil économique et social de lui renouveler l'octroi du statut consultatif. Etant donné que le système proposé n'envisage la concession de la personnalité internationale qu'aux organisations non-gouvernementales consultatives, la perte du statut consultatif entraînerait automatiquement, et sans qu'il soit besoin de le dire expressément, la disparition de la personnalité internationale de l'organisation, ou autrement dit sa dissolution effective. Pratiquement, la solution ne serait pas sans inconvénient. Il pourrait arriver qu'à un moment donné, le Conseil économique et social n'éprouve plus le besoin de consulter une organisation non-gouvernementale qu'auparavant il avait admise au bénéfice du statut consultatif et du statut juridique international. Cela ne vaudrait pas nécessairement dire que les intérêts qu'elle représente aient cessé d'avoir de l'importance sur le plan international, ni que plus tard elle ne soit pas susceptible d'être à nouveau utilement consultée par le Conseil économique et social ou par une institution spécialisée. Faudrait-il rejeter tout de même l'organisation non-gouvernementale dans le néant juridique aussi longtemps qu'elle n'aura pas acquis de nouveau le statut consultatif ? Il en résulterait une instabilité intolérable de statut juridique qui pourrait empêcher les organisations non-gouvernementales de vouloir réclamer le privilège, si peu sûr, de personnalité internationale. A vrai dire, le danger est moins grave qu'il ne paraît en théorie, car il est peu probable qu'après avoir reconnu la permanence des intérêts et de la structure de l'organisation admise au bénéfice du statut international, le Conseil économique et social le lui fasse perdre à la légère. Il maintiendrait plutôt le bénéfice du statut consultatif, condition indispensable de l'octroi de la personnalité internationale, même si momentanément il ne croyait pouvoir lui donner plein effet. Mais on pourrait vouloir aller plus loin et chercher à donner même en droit, une plus grande stabilité au statut juridique international des organisations consultatives, en maintenant leur personnalité même en cas de perte du statut consultatif. Si l'on désire atteindre ce résultat, la Résolution de l'Assemblée générale devrait spécifier quela perte du statut consultatif n'entraîne pas automatiquement la dissolution de l'organisation consultative enregistrée. La dissolution n'interviendrait dans cette hypothèse que si, en retirant le statut consultatif, le Conseil économique et social précisait expressément que l'évolution de l'organisation ne justifie plus la concession de la personnalité internationale et qu'il décide par conséquent de lui retirer avec le statut consultatif le droit de se réclamer des privilèges du statut juridique international. Seulement, en formulant cette dernière proposition, on ne doit pas dissimuler qu'elle ne cadre pas entièrement avec l'économie générale du projet. Malgré ses avantages pratiques indéniables, il pourrait donc être jugé préférable de ne pas l'inclure dans la Résolution de l'Assemblée générale relative au régime international des organisations consultatives enregistrées.
7.33: La dissolution forme la sanction nécessaire du contrôle que, dans le système proposé, le Conseil économique et social doit exercer sur le fonctionnement des organisations non-gouvernementales enregistrées. Il est donc naturel de réserver au Conseil économique et social le droit de la prononcer. Le Conseil exercerait ce droit soit d'office, à l'occasion de l'examen des rapports annuels des organisations enregistrées, soit sur la demande d'un Etat partie à la Convention portant reconnaissance de la personnalité internationale des organisations consultatives enregistrées, au cas où, de l'avis de l'Etat en question, une organisation aurait commis sur son territoire des actes justifiant la dissolution. De même que l'attribution par le Conseil économique et social de la personnalité internationale aux organisations non-gouvernementales consultatives, et pour des raisons identiques, ses décisions relatives à la dissolution des organisations enregistrées, ne seraient susceptibles d'aucun appel. Elles donneraient lieu aux mêmes formalités d'enregistrement et de notification que les décisions du Conseil portant concession du statut international aux organisations consultatives ou son approbation des modifications aux statuts des organisations enregistrées.
7.34: Du moment que le système proposé envisage la possibilité du recours à la mesure de dissolution, il doit se préoccuper de la liquidation des biens de l'organisation dissoute par voie d'autorité. On pourrait reprendre ici les grandes lignes de la solution que nous avons trouvée dans l'avant-projet de Politis mais qui a été éliminée du Projet définitif de l'Institut de droit international. Il s'agirait évidemment de l'adapter aux données techniques de la construction actuelle. Le soin d'opérer la liquidation incomberait maintenant au service du secrétariat des Nations Unies que le Secrétaire général aurait chargé de toutes les formalités nécessaires à la mise en oeuvre du régime juridique des organisations consultatives enregistrées. Seulement, comme la liquidation des biens des organisations dissoutes ne pourrait être opérée sans le consentement de l'Etat, maître du territoire sur lequel sont situés ces biens, une disposition à ce sujet devrait figurer non seulement dans la Résolution de l'Assemblée générale relative à la constitution et à la disparition de la personnalité internationale des organisations enregistrées, mais aussi dans la Convention portant reconnaissance de cette personnalité dans les ordres juridiques des Etats contractants.
7.35: Et c'est exclusivement dans la Convention de reconnaissance qu'il y aura lieu de déterminer la capacité d'action des organisations enregistrées et les limites dans lesquelles elle pourra exercer son activité, puisque nous savons que l'activité des groupements privés se produit presque en totalité dans les ordres juridiques nationaux. Mais pour que la Résolution de l'Assemblée générale qui donnera naissance à la personnalité juridique des organisations enregistrées, ne tombe pas dans le vide, elle ne devrait pas se borner à définir les conditions d'existence de ces organisations dans le cadre administratif des Nations Unies, mais proposer en outre à l'adhésion des Etats un projet de convention portant reconnaissance de leur personnalité juridique.
8. La reconnaissance par les Etats des organisations internationales non-gouvernementales, à statut consultatif
8.1: La Convention relative au statut international des organisations enregistrées serait basée sur l'engagement des Etats contractants de reconnaître dans leurs ordres juridiques nationaux, la personnalité juridique des organisations non-gouvernementales, constituée selon la procédure établie par l'Assemblée générale des Nations Unies. Et comme cette procédure comporte un choix sévère et un contrôle très strict des organisations admises au bénéfice du statut international, il ne semble pas excessif de demander aux Etats d'accorder leur reconnaissance d'une façon générale et sans se réserver le droit de récuser, dès la notification de l'enregistrement, telle organisation enregistrée pour des raisons d'ordre public. Il ne s'agirait toutefois pas d'enlever aux Etats le droit de veiller que le fonctionnement sur leur territoire d'organisations enregistrées dont ils auraient reconnu la personnalité ne s'effectue à l'encontre des lois locales. Mais c'est là un problème qui ne concerne pas tant la reconnaissance de principe de l'organisation que la façon dont sera déterminé son statut dans l'ordre juridique des Etats qui auront reconnu sa personnalité. Le but essentiel de la Convention portant reconnaissance des organisations enregistrées sera donc de mettre au point un régime juridique qui tiendra à la fois compte et des intérêts légitimes des organisations et de l'ordre public des Etats contractants.
8.2: Pour répondre aux besoins pratiques des organisations enregistrées, le statut juridique résultant de la reconnaissance de leur personnalité par les Etats parties à la Convention devrait leur permettre de s'établir dans les pays contractants, d'y accomplir les actes de la vie juridique courante et même d'y exercer leur activité sociale. Dans quelle mesure ces nécessités pourront-elles être satisfaites dans un sytème fondé sur la constitution de la personnalité internationale des organisations non-gouvernementales sous les auspices et le contrôle de l'Organisation des Nations Unies?
8.3: Il ne semble pas qu'il puisse y avoir de difficultés sérieuses en ce qui concerne le droit pour les organisations enregistrées de s'établir sur le territoire des Etats parties à la Convention. Les organisations en question possèderaient toutes un siège central auprès d'un organisme intergouvernemental, il s'agirait donc pour elles uniquement de pouvoir ouvrir sur le territoire des Etats des bureaux ou des établissements secondaires. Aussi longtemps qu'elles n'en abuseront pas pour violer les lois locales, hypothèse qu'il y aura lieu d'envisager en examinant les conditions dans lesquelles les organisations enregistrées pourront exercer leur activité sociale, il n'y aurait vraiment pas de raison pour refuser cette faculté à des organisations dont l'importance et la qualification morale sont attestées par l'examen que leur a fait subir le Conseil économique et social.
8.4: La détermination de la capacité juridique des organisations enregistrées s'avérera déjà plus complexe. La solution généralement réclamée par les associations internationales et qui se trouve consacrée dans les divers projets que nous avons analysés, consiste à accorder de plein droit aux associations à caractère ou à statut international les droits dont jouissent dans le pays en question les associations nationales du même type, sauf à prévoir que, dans les pays contractants qui n'accordent pas à leurs associations nationales un certain minimum de droits, jugé indispensable, les associations internationales pourront néanmoins réclamer la jouissance de ce minimum, comprenant en particulier le droit d'ester en justice, le droit de contracter et le droit de posséder des biens, même si certains de ces droits, ou tous, sont refusés aux associations nationales.
8.5: Cette solution appelle toutefois plusieurs observations. L'assimilation aux associations nationales ne donnera pas toujours aux associations internationales un statut absolument certain. Il existe des pays qui ne connaissent pas de catégorie juridique distincte d'associations à but non lucratif. D'autres font une distinction entre les différentes catégories d'associations en leur accordant plus ou moins de droits selon la catégorie. Pour éviter les incertitudes qui en résultent, le Projet de l'Institut de droit international se réfère, pour fixer la capacité juridique des associations internationales, non seulement au statut national des associations à but non lucratif, mais en outre au statut des sociétés de commerce à responsabilité limitée, en appliquant toujours aux associations internationales le statut national le plus favorable. Il semble pourtant difficile de baser le statut d'une association à but non lucratif sur celui d'une société de commerce. Entre les deux institutions, il existe trop de différences de but et de structure, pour que l'assimilation juridique ne soit pas fictive. On serrera certainement mieux la difficulté, en examinant de plus près les différentes solutions nationales.
8.6: Lorsqu'on se trouvera en présence de pays qui n'admettent pas chez eux la liberté de l'association, il serait vain d'attendre d'eux qu'ils adhèrent à une convention reconnaissant les droits à des associations internationales, quel qu'en soit le contenu. En rédigeant une telle convention, on peut donc négliger le cas de ces pays. L'absence dans un système juridique national de catégorie formelle d'associations à but non lucratif ne veut pourtant pas nécessairement dire que ce pays condamne le droit de libre association. Il peut même lui être favorable, seulement pour pouvoir mener une existence juridique, les groupements du type de l'association à but non lucratif devront utiliser, dans ce système, des formes juridiques empruntées à d'autres institutions. La détermination de la capacité des organisations enregistrées ne pourra donc être effectuée dans les ordres juridiques de ce type que par rapport à la situation de fait des groupements nationaux qui s'apparentent au type de l'association à but non lucratif, et cette éventualité devra être prévue dans la Convention de reconnaissance.
8.7: Reste à déterminer la capacité juridique qui serait accordée aux organisations enregistrées dans les pays qui connaissent plusieurs régimes d'associations à but non lucratif. Généralement, la concession d'un statut plus favorable est effectuée à l'égard des associations nationales par une décision individuelle de l'autorité publique. Comme il ne saurait être question de soumettre la qualification des organisations enregistrées à l'examen supplémentaire d'un organe interne, en l'absence d'une décision les habilitant à jouir des privilèges réservés à la catégorie supérieure, elles ne pourraient prétendre qu'aux droits réduits de la catégorie inférieure, à moins que la convention de reconnaissance ne les assimile de plein droit aux associations nationales de la catégorie la plus favorisée. Cette assimilation paraît pleinement justifiable, du moment que l'inscription sur la liste des organisations consultatives à statut international doit être précédée d'une enquête approfondie, effectuée par le Conseil économique et social et aboutissant, en cas de réponse affirmative, à une véritable déclaration d'utilité publique internationale. Il est à supposer que les Etats ne refuseront pas d'y souscrire, et cela d'autant plus qu'on leur aura donné la possibilité de participer à l'enquête sur la qualification des organisations admises au bénéfice du statut international.
8.8: Doit-on se contenter de cette assimilation aux associations nationales les plus favorisées ou faut-il stipuler au profit des organisations enregistrées un statut comportant un minimum de droits indispensables, qui serait élargi lorsque le traitement national serait plus favorable, mais qui pourrait, suivant les circonstances, être plus étendu que le régime accordé aux associations nationales par les lois de leur pays ? Cette dernière solution avantage évidemment les organisations enregistrées, mais bien des Etats hésiteraient à concéder aux associations étrangères ou même internationales un traitement plus favorable qu'aux associations nationales. Ces Etats ne seraient certainement pas prêts à adhérer à une Convention qui tendrait à les y obliger. Les organisations enregistrées auraient donc à décider si elles préfèrent une convention qui leur accorderait plus de droits et un statut juridique plus stable, mais qu'un certain nombre d'Etats refuseraient probablement d'accepter, ou une convention plus modeste, mais susceptible d'obtenir un pourcentage plus fort d'adhésions. Il y aurait, il est vrai, encore la possibilité d'inscrire la disposition relative au statut minimum dans le Projet de convention, mais uniquement à titre facultatif et en laissant les Etats libres de l'exclure de leur adhésion à l'ensemble du Projet. Le choix entre ces différentes solutions sera dicté par des raisons d'ordre tactique et dépendra en définitive de l'atmosphère politique du moment auquel le Projet de Convention sera proposé à l'acceptation des Etats.
8.9: La même nécessité de choisir entre deux régimes différents se posera à l'égard du droit pour les organisations enregistrées d'exercer, dans les ordres juridiques des Etats contractants, leur activité sociale. Mais cette fois-ci le choix ne sera plus entre l'assimilation aux associations nationales et un régime international plus favorable, mais entre l'assimilation aux associations nationales, conçue comme un maximum, et un régime plus restrictif. L'exercice de l'activité sociale touche en effet de bien plus près à l'ordre public des Etats que la jouissance des prérogatives attachées à la personnalité morale. On ne saurait vraiment concevoir que l'activité sociale des organisations enregistrées puisse s'exercer sur le territoire des Etats contractants autrement que sous l'emprise et dans les limites des législations nationales respectives. Et comme les législations internes ne visent directement que l'activité sociale des associations nationales, c'est uniquement par rapport à la liberté d'action laissée aux associations nationales poursuivant un but analogue que l'on pourra déterminer l'étendue du domaine d'activité que pourront revendiquer les organisations enregistrées.
8.10: Il n'est toutefois pas certain que les Etats acceptent d'accorder sans autres aux organisations enregistrées le bénéfice du traitement national pour l'exercice de leur activité sociale. C'est qu'il existe des activités que les Etats peuvent ouvrir sans danger aux associations nationales, mais qu'il serait contraire à leur structure politique et sociale, et pour tout dire à leur ordre public, de tolérer de la part d'associations étrangères ou internationales. C'est semble-t-il cette situation qu'ont surtout en vue les projets antérieurs de statut international des associations à but non lucratif, lorsqu'ils prévoient la possibilité pour les Etats contractants de refuser de reconnaître la personnalité des associations internationales qui peuvent constituer un danger pour l'ordre public national. Seulement cette solution passe à côté du véritable fond du problème. Ce qui peut présenter un danger pour l'ordre public national, ce n'est pas l'existence même de l'association internationale, ni la mise en oeuvre, dans le cadre de lois locales, de certaines compétences purement juridiques, mais l'exercice sur le territoire de l'Etat d'activités qui peuvent paraître incompatibles avec la conception nationale de l'ordre public. Aussi, pour protéger l'Etat contre ce danger, n'est-il nullement besoin d'aller jusqu'à lui conférer le droit de refuser la reconnaissance à une organisation enregistrée qu'il jugerait dangereuse pour l'ordre public national. Il suffirait d'interdire aux organisations enregistrées d'exercer des activités, même permises aux associations nationales, si l'exercice de ces activités par une association non nationale paraît incompatible avec l'ordre public national.
8.11: Encore vaudrait-il mieux ne pas recourir à cette notion imprécise d'ordre public national pour délimiter les restrictions supplémentaires qui pourraient être apportées, dans les différents ordres nationaux des Etats contractants, à l'activité sociale des organisations enregistrées. Si l'on donne aux Etats le pouvoir de fixer eux-mêmes les activités que, pour des raisons d'ordre public, ils voudraient interdire aux organisations enregistrées, on consacrerait l'arbitraire pur et simple des Etats, en risquant de vider ainsi la convention de tout contenu réel. Et si l'on cherche à soumettre la décision des Etats sur ce point à un contrôle international, on se trouve conduit à des solutions qui, dans l'état actuel du droit international, ne sont certainement pas susceptibles d'être acceptées par les Etats. Pour échapper à ce dilemne, apparemment insoluble, il ne semble y avoir d'autre moyen que de déterminer les types d'activités que les Etats, tout en admettant l'exercice par les associations nationales, pourraient vouloir interdire aux associations internationales enregistrées.
8.12: Il ne pourrait manifestement s'agir en l'espèce d'activités d'ordre charitable ou scientifique, que les Etats n'auraient aucune raison de vouloir réserver à leurs nationaux. Il n'y aurait pas non plus lieu de faire une distinction entre associations nationales et associations internationales ou étrangères, poursuivant des objectifs culturels ou religieux. Les Etats dont l'ordre public n'admet pas la liberté d'association dans ce domaine, interdiraient toute activité ayant des buts religieux même aux associations nationales, et c'est par le jeu de l'assimilation aux associations nationales que l'interdiction frapperait également les organisations internationales enregistrées. Il n'en serait autrement que dans le cas d'associations fondées essentiellement en vue de l'action politique. Celle-ci est normalement réservée dans tous les Etats aux nationaux. Aussi comprendrait-on que sur ce point, les Etats veuillent apporter une exception au principe général de l'assimilation des organisations enregistrées aux associations nationales. Mais si c'est cela le résultat précis que l'on cherche à atteindre, le meilleur moyen serait de le spécifier dans le texte destiné à régir le statut juridique des organisations enregistrées. En autorisant les organisations enregistrées à exercer en principe, sur le territoire des Etats contractants, leur activité conformément aux lois locales qui régissent l'activité des associations nationales ayant un but analogue, la Convention portant reconnaissance de la personnalité juridique des organisations enregistrées pourrait préciser qu'en tout état de cause, et quel que soit sur ce point le statut des associations nationales, les organisations enregistrées devront s'abstenir de toute action qui pourrait constituer une immixtion dans la politique nationale du pays sur le territoire duquel elles exercent leur activité. Il se peut d'ailleurs que tous les Etats ne ressentent pas de la même façon l'exercice d'une activité politique par une association non nationale et que certains ne soulèvent pas d'objections contre une assimilation totale des organisations enregistrées aux associations nationales, même en ce qui concerne l'exercice de l'activité sociale. Pour tenir compte de la divergence possible des attitudes étatiques à cet égard, la solution la plus raisonnable consisterait probablement à introduire l'interdiction de l'activité politique dans la Convention de reconnaissance sous forme d'une réserve que les Etats pourraient apporter à leur adhésion à l'ensemble de la Convention. Ici encore la rédaction définitive ne pourra être fixée qu'après que la discussion du Projet au Conseil économique et social et à l'Assemblée générale des Nations Unies aura permis de dégager l'opinion de la majorité des Etats.
8.13: Que les limites tracées à l'activité des organisations enregistrées résultent du statut des associations nationales ou qu'elles leur soient spécialement imposées, il s'agira de les assortir de mesures efficaces destinées à en assurer le respect. L'inobservation des lois sociales exposerait déjà les organisations enregistrées et leurs représentants à la même responsabilité civile et pénale qui frappe les associations nationales pour des actes contraires à la législation du pays. Mais à l'encontre des associations nationales, les Etats disposent de sanctions encore plus graves, allant jusqu'à la dissolution du groupement qui se serait mis en dehors de la légalité. Dans le cas d'organisations enregistrées auprès du Secrétariat des Nations Unies, le droit de dissolution autoritaire ne saurait évidemment appartenir qu'aux organes internationaux. Le droit des Etats particuliers de prendre des mesures de dissolution à l'égard de leurs associations nationales pourrait toutefois être adapté au cas des organisations enregistrées sous forme de retrait de reconnaissance ou d'expulsion. Seulement de la sorte, on sera de nouveau amené à rechercher le compromis impossible entre l'arbitraire des Etats et le contrôle international de leurs décisions, problème que nous connaissons déjà et qui n'offre aucune chance de solution satisfaisante à moins que l'on ne puisse l'éviter :
En l'espèce, il semble qu'il faille demander aux Etats de renoncer au droit de prendre eux-mêmes des mesures contre la personnalité et la présence sur leur territoire d'organisations enregistrées qui ne respectent pas les interdictions résultant de la législation locale ou de la Convention. Si les mesures autres que celles qui touchent à l'existence même des groupements s'avèrent insuffisantes, les Etats auront toujours la possibilité de s'adresser au Conseil économique et social pour lui demander de dissoudre l'organisation enregistrée dont l'activité aurait franchi les limites des autorisations légales. Le Conseil économique et social ne manquera certes pas de donner satisfaction à une telle demande au cas où il apparaîtra que l'inobservation des lois locales a été commise en contradiction également avec les statuts de l'organisation. Et pour que le Conseil puisse être en outre en mesure de dissoudre une organisation qui n'observerait pas dans son activité les prescriptions des lois locales ou de la Convention de reconnaissance, sans que son attitude paraisse en contradiction formelle avec ses statuts, le fait pour une organisation enregistrée de ne pas se conformer aux prescriptions de la Convention portant reconnaissance de leur personnalité juridique, devrait être considéré comme une cause autonome de dissolution et ajouté à ce titre aux autres causes de dissolution qu'énoncerait la Résolution de l'Assemblée générale relative à l'enregistrement des organisations consultatives non-gouvernementales. La disposition couvrirait également l'inobservation des législations locales, puisque c'est en principe aux législations locales que la Convention de reconnaissance renverrait pour définir le critère des activités permises aux organisations enregistrées.
8.14: Les Etats n'accepteront évidemment la solution proposée que dans la mesure où ils pourront avoir confiance en la façon dont le Conseil économique et social exercerait ses pouvoirs à l'égard des organisations enregistrées. C'est donc toujours à cette considération psychologique que l'on se trouve ramené et cela non seulement en ce qui concerne la possibilité d'obtenir des Etats des concessions sur tel point particulier, mais aussi quant aux chances de les voir adhérer en général à une convention portant reconnaissance de la personnalité juridique des organisations non-gouvernementales, constituées auprès de l'Organisation des Nations Unies. Il n'est en effet guère probable que les Etats consentent à prendre des engagements précis envers des organisations non-gouvernementales s'ils ne sont pas convaincus que ces organisations ont réellement besoin d'être investies d'un statut juridique international et qu'elles méritent de l'obtenir. Sur le dernier point, la preuve n'est certes pas difficile à apporter. Quant au deuxième, on peut en tout cas affirmer que si les Etats n'acceptent pas de reconnaître la validité des jugements portés sur la qualification des organisations enregistrées par le Conseil économique et social, ils admettront encore moins d'être liés par le jugement d'un autre organe international qui ne pourrait avoir à leurs yeux qu'une autorité moindre que celle qui doit s'attacher aux décisions d'un des organes principaux des Nations Unies. Le rattachement des organisations non-gouvernementales internationales au Conseil économique et social apparaît ainsi, dans l'état actuel de l'organisation internationale, comme le seul moyen de leur donner un statut juridique qui ne serait pas exclusivement basé sur le bon plaisir des Etats. Objectivement, cette construction ne devrait pas susciter chez les Etats d'opposition irréductible, puisque la pratique actuelle des organes des Nations Unies permet de présager que s'il était chargé de surveiller la constitution et le fonctionnement des organisations non-gouvernementales à statut international, le Conseil économique et social se montrerait strict dans sa politique d'admission des organisations non-gouvernementales au bénéfice du statut international, sévère dans son contrôle de leurs activités et respectueux en général des intérêts des Etats.
8.15: Les organisations non-gouvernementales ne doivent donc pas concevoir d'espoirs démesurés quant aux conséquences qu'elles peuvent attendre de l'établissement de leur statut juridique international sous les auspices des Nations Unies. Si le Conseil économique et social doit prendre à leur égard une responsabilité morale envers les Etats, il n'admettra certainement au bénéfice du statut international qu'un nombre relativement restreint d'organisations non-gouvernementales, dont il pourra en toute tranquillité attester l'utilité, l'importance et la qualification morale. Par la force des choses, il sera en outre amené à exiger un droit de regard étendu sur le fonctionnement des organisations enregistrées, ce qui ne sera peut-être pas jugé acceptable par bien des organisations non-gouvernementales, jalousement attachées à leurs traditions de liberté et préférant peut-être les sauvegarder, même s'il fallait renoncer pour cela aux avantages d'une situation juridique assurée. Et puis les Etats qui aujourd'hui se montrent politiquement hostiles aux associations à but non lucratif ne modifieront certes pas leur attitude du jour au lendemain. Leur adhésion à une Convention les obligeant de concéder sur le territoire des droits étendus à des organisations non-gouvernementales constituées auprès d'un organisme international, resterait problématique, quelles que soient les garanties qui leur seraient offertes par la Convention. En dernière analyse, le système tel qu'il vient d'être esquissé, et il faut répéter qu'il ne semble pas possible à l'heure actuelle de concevoir de compromis plus satisfaisant entre les intérêts des organisations non-gouvernementales et ceux des Etats, ne semble susceptible d'être accepté pour le moment que par les Etats qui, même en l'absence d'un statut juridique spécial, adoptent une attitude généralement favorable à l'égard des associations à caractère international.
8.16: Il est vrai que l'adhésion de ces Etats à une Convention portant reconnaissance de la personnalité internationale des organisations enregistrées, transformerait ce qui jusqu'ici a été considéré comme une concession volontaire et révocable, en un véritable droit. Il ne serait pas par ailleurs exclus que certains Etats qui suivent une politique restrictive à l'égard des associations non nationales consentent à ouvrir plus largement leurs frontières aux organisations enregistrées sous la garantie du Conseil économique et social. Avec le temps, et si le fonctionnement du système se révèle satisfaisant, d'autres Etats pourraient encore être amenés à y adhérer. Si l'on ajoute à cela que par elle-même, la possibilité qui serait offerte aux associations internationales d'acquérir une personnalité sans se soumettre à l'emprise d'un système juridique national présente un avantage indéniable, il apparaîtra que, malgré la diminution de leur liberté interne qui risque indiscutablement d'en résulter, les organisations consultatives ont tout intérêt à militer pour l'adoption d'un régime qui peut leur conférer une stabilité plus grande, en même temps que la faculté d'étendre leur activité à un milieu juridique que les adhésions ultérieures peuvent rendre de plus en plus large.
8.17: La Convention portant reconnaissance de la personnalité juridique des organisations enregistrées devrait d'ailleurs être conçue dès l'origine de façon à tenir compte de ses possibilités d'évolution future. Elle devrait être très largement ouverte à l'adhésion de tous les Etats, membres ou non de l'Organisation des Nations Unies, à l'exception évidemment des Etats que les Nations Unies entendraient exclure même de la participation de leurs activités techniques, comme c'est le cas actuellement de certains pays ex-ennemis et de l'Espagne franquiste. Si l'on désire faciliter l'adhésion du plus grand nombre d'Etats possible, il serait peut-être opportun de prévoir la possibilité d'adhérer à une partie seulement de la Convention, par exemple à celle qui a trait à la capacité juridique des organisations enregistrées, en réservant les dispositions relatives à l'exercice de leur activité sociale. Mais ce serait là une solution qui ne répondrait qu'imparfaitement aux besoins pratiques des organisations enregistrées et que pour cette raison il ne faudrait présenter que comme une solution subsidiaire, au cas où il apparaîtrait, au cours des débats au Conseil économique et social et à l'Assemblée générale, qu'il existe peu de chances pour obtenir l'adhésion d'un nombre suffisant d'Etats au règlement d'ensemble du problème.
8.18: Dans une Convention conclue sans durée déterminée, il serait de bonne politique de laisser aux Etats la possibilité de dénoncer leur adhésion. L'existence d'une porte de sortie pourrait peut-être favoriser certaines adhésions qu'une forme plus rigide de Convention risquerait de laisser inexprimées. Et il paraît d'autant plus utile d'admettre en principe le droit de dénonciation que de la sorte l'on se réserve la faculté d'en réglementer l'exercice selon que l'on admettra ou non la possibilité d'adhésion partielle, le droit de dénonciation pourra d'une manière analogue porter aussi bien sur l'ensemble que sur une partie de la Convention, ou uniquement sur l'ensemble du texte. Mais ce qu'il faudrait surtout prévoir c'est que les organisations enregistrées, installées sur le territoire de l'Etat qui n'entend plus les reconnaître, aient le temps matériel de cesser leurs activités. Il est essentiel d'obtenir des Etats un engagement formel de permettre aux organisations enregistrées établies sur leur territoire, de liquider tous les immeubles et de sortir du pays, avant l'expiration du délai de préavis, tous leurs meubles corporels et tous leurs capitaux. Si les organisateurs laissent passer ce délai, ce serait évidemment à leurs risques et périls.
8.19: De nombreuses organisations enregistrées souhaiteraient qu'une disposition de ce genre soit également adoptée pour le cas de guerre. Dans cette hypothèse, il serait même nécessaire de prévoir un délai pour la sortie de personnes qui, au moment de la déclaration de guerre, se trouveraient sur le territoire d'un belligérant en tant qu'employés d'une organisation enregistrée ou parce qu'elles seraient venues y assister à une réunion que celle-ci aurait organisée. Seulement une telle disposition, même si elle était adoptée, n'aurait que peu de chances d'être observée en fait. Dans ces conditions, il vaudrait mieux éviter de donner une apparence de sécurité trompeuse et limiter le jeu de la Convention de reconnaissance en temps de paix.
8.20: Il ne paraît pas non plus utile d'introduire dans la Convention de reconnaissance, comme le fait le Projet Politis, de dispositions relatives au régime fiscal des organisations enregistrées, ni à la compétence des tribunaux à leur égard. Comme en règle générale, les associations nationales à but non lucratif bénéficient d'un traitement fiscal favorable, l'assimilation aux associations nationales poursuivant un but similaire étendra automatiquement ce traitement aux organisations enregistrées. Ces dernières seront même favorisées si l'on adopte la solution que nous proposons pour la fixation de leur siège. Ce siège étant toujours fixé auprès d'un organisme intergouvernemental, elles ne seraient jamais soumises à une imposition qui serait rattachée au siège de la personne morale. Et c'est au fond justice, puisqu'en raison de la provenance internationale de leurs fonds, les soumettre à une taxation personnelle aboutirait soit à créer des doubles impositions, soit à avantager indûment le pays où aurait été établi par hasard leur siège. Les organisations enregistrées seraient par contre redevables de l'impôt foncier et des taxes afférentes aux successions et donations, dans les mêmes conditions que les associations nationales du pays de la situation de leurs immeubles ou du pays dont dépendrait en fait la délivrance des biens donnés ou légués.
8.21: Quant à la compétence des tribunaux à leur égard, elle serait déterminée par le droit commun du conflit des juridictions. Ce serait vouloir compliquer les choses à souhait que d'ajouter à ce problème déjà suffisamment difficile du statut juridique des associations internationales la recherche, probablement encore bien plus complexe, d'un règlement uniforme des attributions de la compétence juridictionnelle. En attendant la conclusion d'une convention spécialement consacrée à la solution générale des conflits de juridiction, on ne pourra raisonnablement que soumettre sur ce point les organisations enregistrées à l'empire des systèmes de droit international privé de chaque pays sur le territoire duquel elles exerceraient leur activité. La seule exception au jeu du droit commun se présenterait au cas où le système local rattacherait la compétence juridictionnelle au siège central de la personne morale. Comme le siège des organisations enregistrées n'aurait de rapports juridiques avec aucun système national, à ce point de rattachement devrait être substituée la résidence de l'organisation dans le pays intéressé. La solution semble toutefois tellement naturelle que l'on peut laisser à la pratique le soin de la dégager, sans qu'il soit besoin de la consacrer expressément dans un texte. Et finalement, on pourra se dispenser d'inclure dans la Convention de reconnaissance la clause, devenue de style, attribuant à la Cour internationale de justice compétence pour interpréter les dispositions contestées de la Convention. Etant donnée la structure du régime proposé, les contestations sur la signification des termes de la Convention de reconnaissance opposeraient normalement non pas les Etats contractants les uns aux autres, mais l'Organisation des Nations Unies à un ou plusieurs Etats parties à la Convention. Des conflits de cet ordre ne seraient pourtant pas justiciables de la compétence contentieuse de la Cour. L'Organisation des Nations Unies pourrait les soumettre, il est vrai, à la Cour internationale de justice par la voie de la procédure consultative. Mais cette possibilité résulte déjà de la Charte des Nations Unies et n'a pas besoin d'être encore spécialement évoquée dans la Convention.
9. La concession aux organisations consultatives, dotées d'un statut juridique international, de prérogatives supplémentaires, destinées à faciliter leur fonctionnement
9.1: En 1923, une Convention qui aurait permis aux associations internationales de se constituer sans être obligées de se rattacher à un ordre juridique national et qui leur aurait assuré dans les ordres nationaux des Etats contractants une capacité juridique suffisante et le droit d'exercer leur activité sociale, pouvait être considérée comme remplissant entièrement toutes les exigences posées par les besoins pratiques de ces associations. Depuis, la difficulté croissante des relations internationales a posé devant les associations internationales d'autres problèmes, encore plus redoutables. Le fonctionnement des associations internationales est au plus haut degré subordonné à la possibilité de circulation de devises, de biens et de personnes entre les différents pays. Les fonds des associations internationales proviennent par définition de plusieurs pays, qu'il s'agisse de cotisations de leurs membres ou de donations ou de legs qui leur sont faits. Une partie de ces fonds doit être centralisée dans le ou les pays où se trouvent établis leurs bureaux. Quant aux sommes utilisées en vue de remplir leurs buts sociaux, il arrive le plus souvent que les associations internationales à but non lucratif sont amenées à les dépenser dans d'autres pays que ceux d'où elles proviennent. Une grande place dans le fonctionnement des associations internationales est par ailleurs prise par la distribution ou l'échange de leur documentation entre les pays auxquels s'étend leur activité. Et finalement, l'activité des associations internationales s'accompagne d'une circulation intense de personnes de pays à pays, soit que les associations soient obligées d'employer un personnel à composition internationale, soit que leurs représentants ou les représentants de leurs membres doivent se déplacer pour assister à leurs congrès, réunions ou autres manifestations. Les occasions de déplacements officiels pour les représentants des associations internationales, se sont encore multipliées depuis la création du statut consultatif. Les organisations non-gouvernementales entretiennent en effet une représentation permanente auprès des organismes intergouvernementaux qui leur ont accordé le statut d'organisation consultative. Leurs représentants peuvent en outre être appelés à prendre part aux manifestations organisées par les institutions publiques internationales.
9.2: Toutes ces nécessités se heurtent pourtant aux difficultés administratives qui touchent pratiquement tous les aspects de l'activité des associations internationales. Ce sont tantôt les restrictions de change qui empêchent les transferts de fonds, tantôt les tracasseries douanières qui arrêtent ou retardent l'échange des documents, tantôt les règlements relatifs à la délivrance des passeports et des visas ainsi qu'à l'établissement et au séjour des étrangers qui forment un obstacle à l'emploi du personnel non national et aux déplacements des représentants des associations en dehors des frontières nationales. Sur ce dernier point, les difficultés concernant l'entrée des personnes sur le territoire national se combinent avec les prohibitions qui frappent la sortie des devises pour l'étranger. Ainsi, en même temps que des organismes intergouvernementaux, en créant le statut consultatif, reconnaissent l'utilité des organisations non-gouvernementales et les invitent à participer à la construction de l'édifice international, la pratique administrative internationale réduit constamment la liberté d'action de ces organisations.
9.3: Si l'on veut sauver les organisations consultatives de l'asphyxie qui les menace, il devient par conséquent indispensable de compléter leur statut juridique international par des dispositions tendant à les libérer dans la mesure du possible, de la tyrannie des règlements administratifs. Il faut se garder seulement de formuler à cet égard des prétentions démesurées, comme le font par exemple certaines organisations non-gouvernementales qui, en se prévalant de leur statut consultatif, n'hésitent pas à réclamer le bénéfice de véritables privilèges et immunités et envisagent même l'attribution de passeports diplomatiques à leurs représentants. C'est oublier que les privilèges et immunités ne peuvent en droit protéger que l'exercice de la puissance publique et que de ce fait il ne peut absolument pas être question de les accorder aux organisations non-gouvernementales. Des propositions de cet ordre seraient assurément repoussées par les Etats. Tout ce que les organisations non-gouvernementales consultatives à statut juridique international pourraient légitimement espérer obtenir, serait un certain assouplissement des formalités administratives qui leur rendent actuellement si difficile l'accomplissement de leur mission.
9.4: Pour autant qu'il s'agisse de faciliter aux organisations non-gouvernementales les démarches nécessaires à la mise en oeuvre des rapports de consultation avec le Conseil économique et social ou avec les institutions spécialisées, c'est à l'Organisation des Nations Unies qu'il appartiendrait de s'entendre avec les Etats sur les dispositions à prendre. Ces dispositions devraient comporter en première ligne une série de mesure destinées à permettre aux organisations consultatives d'entretenir une représentantion permanente auprès des organismes intergouvernementaux intéressés et d'envoyer des délégués aux réunions auxquelles elles seraient officiellement invitées. A cet effet, on pourrait envisager de faire délivrer aux représentants des organisations non-gouvernementales par l'organisme intergouvernemental compétent une carte d'identité qui attesterait leur qualité de consultants et sur le vu de laquelle les représentants ainsi accrédités pourraient obtenir des Etats les devises nécessaires à leur voyage et à leur séjour à l'étranger, la délivrance rapide et gratuite des visas et les conditions favorables de séjour. Il serait également indispensable d'obtenir des Etats des facilités douanières et postales pour l'envoi des documents des organismes intergouvernementaux aux organisations consultatives et vice-versa.
9.5: On doit d'ailleurs signaler que l'Organisation des Nations Unies s'est déjà engagée dans cette voie en réalisant des visas aux délégués et organisations consultatives qui doivent se rendre au siège des Nations Unies. Il s'agirait maintenant de conclure des accords analogues avec d'autres Membres des Nations Unies et d'y introduire les autres points soulevés. Mais ces accords devront être réalisés directement entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats membres. Ils s'appliqueront par définition à toutes les organisations consultatives non-gouvernementales et non pas seulement aux organisations dotées d'un statut juridique international. Il n'y aurait donc aucune raison pour inclure des dispositions relatives à la mise en oeuvre des relations consultatives dans la Convention consacrée au statut juridique des organisations enregistrées.
9.6: La situation sera bien différente eu égard aux mesures destinées à faciliter le fonctionnement interne des organisations consultatives. Il est vrai que ces mesures intéressent également toutes les organisations consultatives à structure internationale. Il est vrai aussi que les mesures tendant à renforcer l'activité des organisations consultatives présentent une utilité indiscutable pour l'Organisation des Nations Unies, puisque la collaboration des organisations non-gouvernementales lui sera d'autant plus profitable que les moyens d'action de ces organisations seront plus efficaces et étendus. Seulement l'intérêt de l'Organisation des Nations Unies paraît ici trop indirect pour l'habiliter à figurer comme partie à l'acte qui accorderait aux organisations consultatives un statut plus favorable au regard des restrictions auxquelles sont soumises aujourd'hui les relations internationales. L'accord sur ce point ne pourrait donc être conclu qu'entre Etats. Et il semble probable que les Etats consentiront plus facilement des concessions justifiées par le caractère international des organisations consultatives si ces concessions ne doivent profiter qu'aux organisations dotées d'un statut juridique international, d'abord parce que ces organisations, qui auront passé par un double filtrage, seront moins nombreuses et offriront une plus grande garantie et aussi parce que, à partir du moment où sera créé un régime juridique international des organisations non-gouvernementales, les organisations qui ne seront pas admises à ce régime devront être considérées juridiquement comme des associations nationales et ne pourront prétendre en droit à aucune prérogative d'ordre international. L'octroi aux organisations non-gouvernementales de facilités relatives à leur activité internationale trouverait donc tout naturellement place dans la convention consacrée plus généralement à l'établissement de leur statut juridique international.
9.7: Certaines de ces facilités seront probablement accordées sans discussion. Les Etats ne pourraient guère refuser aux organisations enregistrées le droit d'envoyer leurs documents et leurs publications aux organismes affiliés, en franchise douanière. On pourra également obtenir que les formalités douanières à l'égard de ces publications et de ces documents soient réduites à l'extrême et accélérées au possible. On ne rencontrerait probablement pas non plus de difficultés sérieuses à demander au profit des organisations enregistrées le bénéfice des tarifs postaux préférentiels pour l'envoi de leurs publications et documents.
9.8: Plus complexe serait déjà la réglementation des problèmes liés au mouvement des personnes qui résulterait du fonctionnement des organisations enregistrées. Il y aurait lieu d'obtenir à cet égard des Etats une autorisation générale d'employer du personnel non national, sans tenir compte des proportions éventuellement établies dans ce domaine par les législations locales. Mais cette autorisation ne devrait en tout cas pas comporter de statut international privilégié pour le personnel non national des organisations enregistrées. On ne pourrait raisonnablement demander pour ce personnel, en ce qui concerne son statut privé, professionnel et social, que l'assimilation aux nationaux et aux étrangers les plus favorisés. Il ne semble pas y avoir en particulier de raison valable pour concéder obligatoirement au personnel international des organisations enregistrées une situation fiscale privilégiée par rapport au personnel des associations nationales. Certains Etats dont le territoire abrite de nombreuses organisations non-gouvernementales internationales concèdent, il est vrai, parfois, de leur propre gré, des avantages fiscaux au personnel international de ces organisations. Mais il n'est guère vraisemblable que les Etats acceptent de prendre généralement un engagement formel à ce sujet. Tout au plus pourrait-on prévoir dans la Convention portant statut juridique des organisations enregistrées que les Etats contractants prendront toutes les dispositions nécessaires pour éviter la double imposition du personnel non national des organisations enregistrées, résidant sur leur territoire. Et c'est encore la même solution, qui consiste à inscrire dans la Convention un engagement des Etats d'envisager les mesures à prendre et non pas l'énoncé des mesures elles-mêmes que l'on sera probablement obligé d'adopter en ce qui concerne les devises à l'occasion des voyages effectués par le personnel dirigeant des organisations enregistrées pour les besoins de service ou par leurs membres pour se rendre aux réunions qu'elles organisent. Ces voyages ne pourront en effet être dispensés des formalités de visas, ni donner automatiquement lieu à la délivrance du change étranger. Mais l'activité internationale des organisations enregistrées seraient grandement facilitée si, aux termes de la Convention, elles recevaient l'assurance que les Etats se proposent d'examiner leurs demandes à cet effet d'une façon bienveillante et dans une procédure accélérée. Une facilité supplémentaire pourrait être ici acquise si les organisations enregistrées, dont le siège se trouverait normalement auprès d'un organisme intergouvernemental, obtenaient le patronage de cet organisme pour ses réunions. L'intervention de la procédure de consultation, pourrait alors couvrir l'organisation des réunions privées de l'organisation enregistrée. Mais comme le patronage des organismes intergouvernementaux pourrait ne pas s'étendre à toutes les réunions des organisations non-gouvernementales, il serait incontestablement plus sûr de faire figurer dans la Convention relative au statut juridique des organisations enregistrées une clause spécialement consacrée aux voyages officiels de leurs représentants et de leurs membres.
9.9: Quelle que soit toutefois l'importance que ces différents problèmes revêtent dans la vie des organisations non-gouvernementales internationales, ils passent tous au second plan en comparaison avec les embarras que leur créent les restrictions qui s'opposent actuellement dans la plupart des pays du monde au transfert international des fonds. Et c'est précisément dans ce domaine que la solution est la plus difficile à trouver. Aussi longtemps que les Etats croiront devoir prendre des mesures pour la défense de leurs monnaies, ils ne pourront raisonnablement consentir aucune exception à la réglementation des changes en faveur des organisations non-gouvernementales. Les sommes que manient ces organisations sont suffisamment importantes pour que leur libre circulation dans un monde généralement acquis au principe contraire ne risque pas de provoquer des perturbations d'ordre monétaire. Une certaine compensation se produirait évidemment à la longue entre les différents mouvements de fonds provoqués par les organisations non-gouvernementales. Si les sommes versées pour les besoins du fonctionnement administratif et de l'organisation des réunions prenaient souvent le chemin des pays à monnaie forte, l'utilisation des fonds dans l'accomplissement des buts sociaux se dirigeraient surtout vers les pays qui en auraient réellement besoin, c'est-à-dire vers les pays moins riches ou plus éprouvés et par conséquence à monnaie faible. Seulement cette compensation ne serait ni automatique, ni de réalisation absolument certaine. La libération des organisations non-gouvernementales de tout contrôle des changes ouvrirait en outre largement la porte à la spéculation et à la fraude. Cette mesure ne saurait par conséquent être envisagée qu'à condition qu'au contrôle national du mouvement des fonds appartenant aux organisations non-gouvernementales puisse être substitué un système de contrôle international.
9.10: La solution qui serait susceptible de permettre aux organisations non-gouvernementales internationales de procéder aux transferts, nécessaires à leur fonctionnement administratif et à l'exercice de leur activité sociale, tout en donnant aux Etats la garantie que ces transferts ne couvriront pas des opérations frauduleuses, ni n'affecteront la stabilité des monnaies nationales, eût consisté à créer, auprès d'un organisme intergouvernemental approprié, un compte spécial sur lequel seraient versées toutes les sommes destinées à des organisations non-gouvernementales internationales, qu'elles proviennent des cotisations régulières, des dons ou des legs, ou encore des revenus des organisations, lorsque ces sommes ne doivent pas être dépensées dans le pays même de leur provenance. Les organisations se serviraient de ce compte lorsqu'elles auraient besoin de fonds dans les pays dans lesquels elles ne disposeraient pas de moyens financiers suffisants en devises nationales. Ces opérations seraient soumises au contrôle de l'organisme intergouvernemental, chargé de la gestion du fonds des organisations non-gouvernementales internationales. L'organisme intergouvernemental vérifierait si les demandes de fonds sont conformes aux besoins et aux buts de l'organisation non-gouvernementale et contrôlerait ensuite l'utilisation effective des fonds délivrés. Il établirait en outre, selon les possibilités, un système de compensation des devises délivrées aux organisations non-gouvernementales internationales et veillerait que les opérations sur les fonds appartenant à ces organisations ne rompent pas l'équilibre général des changes nationaux.
9.11: Ces différents tâches rentreraient tout naturellement dans la compétence du Fonds monétaire international. Un accord interétatique serait toutefois nécessaire pour les lui attribuer. Cet accord ne s'appliquerait d'ailleurs pas nécessairement aux seules organisations enregistrées. On concevrait parfaitement que puissent en bénéficier toutes les organisations non-gouvernementales à statut consultatif, et même toutes les associations à structure internationale qui, en acceptant de soumettre leurs opérations financières internationales au contrôle du Fonds monétaire, demanderaient l'ouverture d'un compte spécial au Fonds international des organisations non-gouvernementales. L'établissement d'un système destiné à faciliter l'utilisation rationnelle des moyens matériels des associations internationales serait ainsi indépendant de la conclusion d'une Convention sur le régime juridique des organisations enregistrées. Et comme il s'agit dans ce cas d'un problème technique plus délimité, il serait peut-être possible que l'on arrive à mettre au point l'ensemble des questions diverses dont se compose le régime juridique des associations internationales. Dans cette éventualité, la Convention portant reconnaissance de la personnalité juridique des organisations enregistrées pourrait rester silencieuse sur l'aspect financier de leur activité. Mais l'élaboration d'un régime financier qui devrait à la fois satisfaire les associations internationales, rassurer les Etats et s'intégrer dans la structure du Fonds monétaire international, n'irait pas non plus sans difficulté. Il n'est nullement exclu qu'au moment où la Convention sur le statut juridique des organisations enregistrées sera ouverte à l'adhésion des Etats, aucun accord ne soit encore réalisé sur le problème financier. En prévision de cette éventualité et tout en mettant immédiatement en train l'étude de la solution plus spécifique des difficultés des associations internationales dues aux restrictions de change, il conviendrait donc d'inclure dans la Convention relative au statut des organisations enregistrées une clause limitée à leurs propres difficultés financières. En attendant l'accord sur la solution technique du problème, les clauses financières de la Convention portant statut général des organisations enregistrées ne pourraient toutefois contenir aucune donnée précise. Comme la plupart des autres dispositions relatives aux facilités à accorder aux organisations enregistrées, elles se borneraient à exprimer l'intention des Etats contractants de consentir aux organisations intéressées, pour le transfert de leurs fonds destinés à couvrir les frais de leur fonctionnement et à permettre l'exercice normal de leur activité sociale, le régime le plus libértal et les taux les plus avantageux.
10. Le problème du statut juridique des associations internationales, ne possédant pas de statut consultatif
10.1: Les avantages que le système proposé offre aux organisations enregistrées, ne profitera en fait, nous avons insisté à plusieurs reprises sur ce point, qu'à un nombre très réduit d'associations internationales, choisies, par définition, parmi les plus importantes. Faut-il borner à cela l'effort tenté en faveur des associations internationales et abandonner la grande masse de ces institutions à leur sort, qui risque encore d'être aggravé, puisque, du moment qu'il existera une catégorie juridique formelle d'organisations non-gouvernementales internationales, les Etats pourraient ne plus tenir aucun compte du caractère international des associations qui en seraient exclues?
10.2: Il ne semble malheureusement pas qu'il puisse en être autrement dans l'état actuel des choses. Nous avons vu qu'aucune solution efficace ne peut être attendue d'un système qui maintiendrait le rattachement formel des associations internationales à un ordre juridique national. Par ailleurs, pour mettre au point un régime juridique international qui ne serait point un coup d'épée dans l'eau, il a paru indispensable de le fonder sur une discrimination entre les groupements admis à en bénéficier, discrimination que seul un organe international possédant un poids politique et moral suffisant pourrait effectuer utilement. C'est pourquoi il serait vain de vouloir créer, à côté de l'enregistrement des organisations consultatives et sous le contrôle du Conseil économique et social, une autre procédure, assurée par un bureau spécial et destinée aux associations n'ayant pas obtenu l'octroi du statut consultatif auprès d'une institution des Nations Unies. Ce système justifierait les mêmes objections qui ont pu être soulevées à l'encontre du Projet Politis. En fait, la juxtaposition de deux procédures d'octroi de statut juridique international, l'une basée sur un contrôle politique, l'autre sur un contrôle purement administratif, ne pourrait que jouer au détriment de la seconde, de sorte que les associations qui bénéficieraient de cette dernière ne seraient guère avantagées par rapport aux associations sans statut international, les Etats étant naturellement portés à réserver leurs faveurs aux organisations enregistrées sur décision du Conseil économique et social. Et il semble difficile de demander à l'Organisation des Nations Unies de se charger du statut juridique des associations ne possédant pas de statut consultatif. L'absence de liaison entre une organisation non-gouvernementale et l'Organisation des Nations Unies aurait en effet sa cause soit dans le refus de l'Organisation des Nations Unies, et dans ce cas le bénéfice du statut juridique devrait à plus forte raison encore être refusé à un groupement qui n'a même pas été jugé apte à recevoir le statut de consultant, soit dans le manque d'empressement que l'association non consultative aurait montré à collaborer avec les Nations Unies, et l'on ne comprendrait pas alors que l'Organisation des Nations Unies facilite le fonctionnement d'un organisme qui ne voudrait pas prendre part à ses efforts.
10.3: Dans une seule hypothèse, que nous avons déjà envisagée d'ailleurs en examinant les conséquences de la dissolution des organisations enregistrées, il pourrait être justifié d'accorder le statut juridique international à une association internationale qui ne bénéficierait pas de statut consultatif. Il en serait notamment ainsi dans le cas d'associations, offrant toute garantie quant à leur caractère international, quant à leur moralité et à leur importance, mais poursuivant un but qui pour le moment n'intéresserait pas directement le Conseil économique et social, ni aucune institution spécialisée. Seulement cette hypothèse est vraiment trop exceptionnelle pour motiver une modification de principe du système envisagé. Si elle se présentait, il est d'ailleurs probable que le Conseil économique et social accorderait le statut consultatif à une organisation non-gouvernementale à laquelle il lui paraîtrait légitime de conférer la personnalité juridique internationale, même sans compter pouvoir utiliser immédiatement ses services dans le cadre du système de consultation. Et cela lui permettrait de maintenir intact le principe qui élimine du bénéfice de la personnalité internationale les associations ne jouissant pas des prérogatives du statut consultatif.
10.4: Une certaine amélioration de la condition juridique des associations internationales ne possédant pas de statut juridique international, pourrait peut-être résulter de la création du Fonds spécial des associations internationales. Comme toutes les associations, internationales par nature, seraient admises à participer au fonctionnement du Fonds, elles pourraient, même sans jouir d'une personnalité juridique internationale, accomplir certains actes juridiques de caractère patrimonial dans tous les pays ayant ratifié l'accord constitutif du Fonds spécial. Cela satisferait déjà, dans une certaine mesure, les besoins pratiques d'un grand nombre d'associations à structure internationale, mais sans leur conférer d'autres prérogatives sur le terrain international. Pour les associations internationales ne faisant pas partie du groupe privilégié d'organisations enregistrées, ce dernier résultat, répétons-le, ne saurait être actuellement atteint qu'en liaison avec le problème plus général de la reconnaissance internationale des associations étrangères, problème que nous n'avons pas à poser ici.
Annexes
A. Avant-projet de résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies relative à l'attribution de la personnalité juridique internationale à certaines organisations consultatives non-gouvernementales.
B. Avant-projet de Convention portant reconnaissance de la personnalité juridique des organisations non-gouvernementales constituées auprès de l'Organisation des Nations Unies.