Cosmopolitiques: Retour à la société civile

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Author:
Paul Ghils
Year:
1997

par Paul Ghils
Union des associations internationales & Haute Ecole de Bruxelles

Published in Associations Transnationales / Transnational Associations, Issue 3/1997, pp 172-176
Tous droits réservés / All rights reserved.

  • "The Conscience of the World". The Influence of Non-Governmental organisations in the UN System, edited by Peter Willetts, Hurst and Company, London, 1996.
  • A World in Need of Leadership: Tomorrow's United Nations, by Brian Urquhart and Erskine Childers, Ford Foundation/Dag Hammarskjöld Foundation, Uppsala, 1996.
  • Toward a More Effective UN. Research Project on a More Effective UN Options and Japan' Options,by Tatsuro Kunugi et al., PHP Research Institute, Tokyo, 1996.
  • Kant et la paix perpétuelle, par Jürgen Habermas, Cerf, Paris, 1997.

La plupart des propositions de réforme des Nations unies visent la rationalisation du fonctionnement de l'Organisation mondiale ou les coupes budgétaires qu'elle devrait subir. On se souviendra que le rôle des Nations unies avait fait quelque temps l'objet d'âpres débats à la suite de la fin de la guerre froide et comme conséquence de l'espoir de voir se fonder un "nouvel ordre mondial" qui tournerait le dos à l'ancien, où le destin des sociétés humaines se voyait soumis aux intérêts et à la tutelle des coalitions étatiques d'un monde bipolarisé. De façon plus pragmatique et selon une rationalité variablement définie, un nombre croissant d'organisations non gouvernementales investit les grandes conférences onusiennes - Rio de Janeiro pour l'écologie, Vienne pour les droits de l'homme, Le Caire pour la démographie, Copenhague pour la questions sociales, Berlin pour le climat de la Planète, Pékin pour le statut des femmes dans la société - tandis que certains centres de recherches, souvent non gouvernementaux, avancent leurs propres projets de réforme de l'Organisation mondiale. Les ouvrages recensés ci-après abordent dans des perspectives très différentes quelques aspects - fonctionnement interne et relations OIG/ONG, refondation de l'architecture institutionnelle, perspectives philosophiques du droit et de la justice respectivement - de l'ordre/désordre mondial.

Le livre collectif dirigé par Peter Willetts sous le titre "The Conscience of the World", et dont le sous-titre plus explicite annonce The Influence of Non-Governmental Organisations in the U.N. System, constitue sans doute un excellent tour d'horizon du rôle joué par les ONG dans les divers organes et agences des Nations unies. De facture classique, il s'inscrit dans la traditions des ouvrages consacrés à ce sujet, inaugurée par J.S. Nye et O. Keohane en 1970et à laquelle P. Willetts, qui enseigne les relations internationales à l'université de Londres, a précédemment contribué. On notera en passant l'intérêt croissant que les politologues professionnels manifestent pour ce domaine d'étude, le présent ouvrage étant lui même le fruit d'une initiative du David Davies Memorial Insitute of International Studies de Londres. Les contributions des divers auteurs, cadres d'organisations internationales (intergouvernementales ou non), diplomates ou spécialistes universitaires, couvrent un échantillon raisonnablement significatif des domaines relevant du domaine annoncé dans le titre. Relevant le caractère profondément hétérogène du monde des ONG et de l'imprécision des notions relevant de la catégorie des "acteurs transnationaux", P. Willetts concède que la qualification de "conscience du monde" ne se justifie que pour certains d'entre eux, plus particulièrement dans le domaine des droits de l'homme (d'où les guillemets du titre principal). Plus fréquemment, l'absence de communauté de valeurs au sein du monde des ONG, voire les antagonismes qui les opposent, restent un obstacle au soutien inconsidéré de leur action comme à la condamnation sans nuances de l'action des gouvernements. Aussi l'objectif de l'ouvrage n'est-il pas de mobiliser l'appui de l'opinion en faveur de l'une ou l'autre des catégories d'ONG concernées, mais de démontrer que la politique onusienne ne peut être comprise ni évaluée sans tenir compte de leur influence. Propos illustré tant par les contributions retraçant l'affirmation progressive du rôle des ONG sur la scène internationale, depuis le Congrès de Vienne jusqu'à la Conférence de San Francisco, que par les études de cas centrées sur des questions plus ponctuelles liées aux agences des Nations unies (Banque mondiale, UNESCO, statuts consultatifs), à la gestion de certaines questions (environnement, droits des femmes, rédaction de la Convention des droits de l'enfant) ou à des organisations particulières (Amnesty International, Save the Children Fund). L'ensemble révèle un apport variable de l'action associative internationale, entre l'exécution des tâches et la promotion de causes déterminées. Il révèle aussi, malgré la nécessité soulignée par le directeur de la publication de l'élargissement du cadre théorique et de la multiplication des données empiriques du champ des relations internationales, la nature restreinte et convenue des notions et actions regroupées sous le vocable ONG. On retrouve les droits de l'homme, l'environnement, le développement et la santé, comme dans la plupart des ouvrages du genre, sans qu'aucune explication soit donnée à l'absence d'autres domaines (coopération scientifique, promotion des intérêts économiques et commerciaux, enseignement, prosélytisme politique et religieux, etc.), dont on ne voit pas en quoi ils seraient moins "non gouvernementaux" ou plus indifférents au sort des Nations unies.

Parmi les nombreux ouvrages proposant de réformer les Nations unies, A World in Need of Leadership: Tomorrow's United Nations, rédigé par deux anciens fonctionnaires de l'Organisation, Brian Urquhart et Erskine Childers (récemment décédé), est tombé au meilleur moment du débat relatif au choix du secrétaire général, relancé par la controverse née de la fin de mandat de Boutros Boutros-Ghali. La procédure actuelle, qui est fondée sur la candidature formelle d'un personnage, généralement un vétéran du système, retenu pour raisons politiques par les cinq membres (permanents) du Conseil de sécurité disposant du droit de véto, est jugée dépassée. Aussi les auteurs recommandent-ils d'appeler une personnalité "charismatique et dont l'autorité soit reconnue" à remplir la fonction de dirigeant de l'Organisation, selon une procédure qui soit à la fois plus systématique, plus créative et plus démocratique. La formule proposée est audacieuse, prévoyant un mandat de sept ans non seulement pour le secrétaire général, mais aussi pour tous les hauts responsables des Nations unies. Un comité de sélection serait mis sur pied pour rechercher les talents cachés, examiner les candidatures et sélectionner celles qui semblent les plus adéquates. Ce comité, qui impliquerait l'abandon du principe du véto, lancerait un appel aux candidats avant de retenir de cinq à dix noms, rendus publics par le Conseil de sécurité. Suivrait alors une période de trente jours au cours de laquelle toutes suggestions et tous commentaires pourraient être faits par les gouvernements, les parlements, les associations et les médias, aboutissant à une liste restreinte de candidats appelés à exposer devant le Conseil de sécurité l'idée qu'ils se font de la fonction qu'ils briguent.

La perspective dégagée par les chercheurs universitaires japonais du PHP Institute de Tokyo dans Toward a More Effective UN. Research Project on a More Effective UN Options and Japan Options part du constat pessimiste que les Etats dominants de la Planète s'éloignent progressivement des Nations unies, jusqu'à douter de la viabilité à long moyen terme de l'Organisation. S'inquiétant de l'affaiblissement de l'intérêt porté à une éventuelle réforme du système, les auteurs prônent une refonte "réaliste" des Nations unies avant que l'aggravation des problèmes mondiaux ou l'apparition de nouveaux conflits ne viennent compromettre toute maîtrise du processus. "Réaliste" doit ici s'entendre comme réponse à la complexité de la situation, qui dépasse les compétences des seuls Etats et requiert par conséquent l'apport complémentaire d'autres acteurs, tels que d'autres organisations internationales (régionales par exemple) et les organisations et sociétés privées, toutes appelées à prendre leur part dans la recherche du "bien mondial" (global interest). La proposition est encore plus ambitieuse que celle de Urquhart et Childers, et s'inscrit dans un vaste projet de "gestion de la Planète" (global management) affectant aussi bien le cadre institutionnel que la substance des fonctions qui seraient dévolues aux nouvelles institutions.

Les domaines définis comme prioritaires sont au nombre de quatre. En premier lieu, le système de sécurité collective devrait s'en tenir aux principes traditionnels (accord préalable des parties, non-coercition, impartialité), prévoyant une intervention décidée et rapide s'agissant du maintien de la paix, mais évitant toute extension abusive empiétant sur ce qui relève des opérations de pacification et dépasse la compétence des Nations unies. Les actions décidées devront s'appuyer notamment sur la création d'un "corps de réaction rapide des Nations unies", d'un centre de diplomatie préventive , d'un forum du désarmement et d'un fonds des Nations unies pour la paix. Le deuxième domaine concerne la démocratie et l'efficacité du système, subordonnées à l'inclusion dans le Conseil de sécurité de six nouveaux membres permanents (sans droit de véto, dont l'Allemagne et le Japon), de représentants régionaux (Asie, Afrique, Amérique latine, Europe et al.) et, pour les membres non permanents, de représentants régionaux. Le droit de véto devrait être revu parallèlement, dans le sens de sa qualification et de la limitation de son exercice. Est par ailleurs proposée, pour répondre à la multipolarisation des organes appelés à défendre le bien commun, la création d'une "seconde assemblée générale des Nations unies" comme organe subsidiaire de l'Assemblée générale actuelle et comprenant des représentants de l'Union interparlementaire, d'acteurs non étatiques tels que les ONG, les organisations à but non lucratif (on perçoit mal la distinction entre ces deux catégories) et les sociétés multinationales. Cette seconde chambre serait chargée de faire des recommandations à l'Assemblée générale avant toute réunion de celle-ci. Le troisième domaine concerne la réforme du Conseil économique et social, la création d'un "Conseil de sécurité humain et planétaire", d'une "Conférence ministérielle commune" (regroupant le secrétaire général et les instances dirigeantes des grandes agences) et d'une "Autorité des Nations unies pour le développement". Le quatrième volet concerne l'établissement de mécanismes de financement suffisants, sûrs et équilibrés et la rationalisation radicale et de l'unification du budget (impliquant notamment la supression de postes devenues superflus, comme ceux du Conseil de tutelle, de la CNUCED et de l'ONUDI). On le voit, l'ampleur des réformes préconisées par l'Institut de Tokyo est à la mesure même des lourdes réticences suscitées par l'idée même de réformer les Nations unies, et pose donc, paradoxalement, la question du réalisme de ces propositions (cependant souligné par les auteurs) et de leur possibilité.

Dans un tout autre ordre d'idées, la conception du droit et de la justice dans le monde met aux prises, dans le débat contemporain, deux perspectives différenciées. On pourrait dire, schématiquement, que l'une est fondée sur le libéralisme politique de John Rawls et conditionne l'accès des partenaires sociaux à l'équité et à la distribution des biens par l'accès, lui aussi postulé comme libre, aux rôles sociaux. Les injustices sociales qui apparaissent dans la société encadrée par l'Etat libéral ne seraient dues, dans cette perspective, qu'aux contingences historiques. L'autre conception se fonde sur la proposition d'une société "communicationnelle" qui repose sur la conviction que le capitalisme avancé ne peut que renforcer et exacerber les injustices qui naîtraient de la sorte d'un destin non maîtrisé et non maîtrisable. Cette deuxième conception de la justice et du droit exige certes l'ouverture de l'espace public à une discussion à laquelle participeraient un maximum d'acteurs, selon une logique et une dynamique qui aboutirait à refonder la fonction législative en fonction des besoins et des normes ainsi redéfinies par les acteurs, en l'occurrence du système international. Les critiques de cette idée n'ont pas manqué d'y voir une nouvelle forme de l'idéalisme d'inspiration kantienne, d'une cosmopolitique dont la réalisation serait définitivement interdite par la perdurance du pluralisme culturel, et donc de l'"incommunication" qui condamne à un relativisme indépassable. Sans doute le système kantien était-il fondé sur l'idée d'une "paix perpétuelle" éloignée des réalités du temps et qui, aujourd'hui encore et avec raison, paraîtra utopiste, mais dont on ne peut nier qu'elle était malgré cela attentive à certains événements historiques, tels que l'impact des Lumières et de la Révolution française ou les intérêts contradictoires des différents Etats. Si donc l'instauration d'une cosmopolitique relevait plus d'une projection, d'une vision utopiste ou d'une anticipation, il n'en va plus de même de nos jours. Le droit des citoyens du monde projeté par Kant en complément des dimensions classiques de la théorie du droit - le droit étatique et le droit des gens - est en train de prendre racine sous nos yeux, non plus comme idéal politique "mondialiste", mais comme nécessité, ce dont témoignent l'émergence d'une opinion publique internationale et les tentatives de refondation de l'ordre institutionnel mondial.

Si l'origine conceptuelle de l'"opinion publique" remonte à Kant, c'est au XXe siècle que le terme acquiert toute son sens. La notion kantienne de confédération mondiale conditionnée par la mise en place d'un dialogue permanent relatif au type de comportenment que les Etats devraient adopter se trouve aujourd'hui amplifiée, selon une progression inflatoire qui brouille les catégories. La notion de "société civile", que la même inflation a propulsé depuis la fin de la seconde guerre mondiale dans la sphère transnationale, appelle les mêmes remarques. Car si la notion est elle aussi d'origine kantienne, dans la mesure où c'est Kant qui a instauré au niveau philosophique la dichotomie entre société civile et Etat, elle requiert une nouvelle conceptualisation, au delà des catégories rationnelles du droit telles que Kant les formulait dans le contexte historique de son temps (L'Etat de droit démocratique, tel qu'il venait de voir le jour à la suite des révolutions américaine et française, faisait figure d'exception). C'est précisément ce qu'entreprend Jürgen Habermas dans La paix perpétuelle. Le bicentenaire d'une idée kantienne, à partir de la contradiction de la construction kantienne, entre l'association volontaire des Etats et l'absence de toute juridiction internationale qui s'imposerait à eux, au delà de la simple obligation morale proclamée en commun par ces derniers. L'auteur montre en quoi le projet de "paix perpétuelle" était à la fois clairvoyant et illusoire. Clairvoyant par la perception qu'il exprimait de l'interdépendance croissante des sociétés et l'économisation des relations internationales (par l'échange des informations, des personnes et des marchandises); illusoire en ce qu'il ne pouvait prévoir les tensions sociales que nourrirait une industrialisation capitaliste accélérée, les guerres civiles qui s'ensuivraient et l'orientation consécutive de la politique extérieure vers un impérialisme belliqueux. Habermas montre en quoi une économisation devenue "mondialisation" tous azimuts des relations matérielles et symboliques, si elle continue d'intensifier les interactions entre le local et le lointain, fragilise dans le même temps des sociétés dont la complexité et la technicité ne les mettent pas à l'abri de conflits devenus locaux mais dont l'intensité s'accroît elle aussi. Sans doute l'avènement des acteurs non étatiques, dont Habermas aperçoit justement le rôle novateur et transformateur au sein du système international, sape-t-il peu à peu la souveraineté des Etats et annonce-t-il la formation d'un espace public planétaire, accréditant par là la thèse de la genèse d'une société civile internationale de nature réticulaire. L'idée kantienne d'état cosmopolitique peut alors être reformulée par Habermas dans une triple perspective : celle de la souveraineté extérieure des Etats et de la transformation des relations interétatiques ("transformer l'état de nature entre les Etats en état de droit", p. 122), celle de la souveraineté intérieure des Etats et des limitations normatives de la politique de puissance classique, et enfin celle de la stratification de la société mondiale ainsi que de la mondialisation des risques, qui appellent un nouveau concept de paix. La constitution d'un droit cosmopolitique qui, selon Habermas, est en train de naître, engagerait les gouvernements suppose la transformation des relatione entre l'individu et l'Etat et viserait, "par-delà les sujets collectifs du droit international, le statut des sujets de droit individuels, fondant pour ceux-ci une appartenance directe à l'association des cosmopolites libres et égaux" (p. 57). Elle suppose aussi une réforme des Nations unies impliquant l'abandon du modèle actuel, conçu comme "Congrès permanent des Nations", et l'adoption d'un modèle bicaméral dont l'un des élements serait constitué d'une "Chambre élue au suffrage direct", où "les peuples ne seraient plus représentés par leurs gouvernements, mais en tant que totalité des citoyens du monde" (p. 77), et "Les pays qui refuseraient de faire élire leurs députés selon des procédures démocratiques (dans le cadre d'élections où l'on tiendrait compte des minorités nationales) pourraient être représentés par des organisations non étatiques que le Parlement mondial nommerait lui-même pour représenter les populations opprimées". Il y a là l'esquisse d'un projet qui dépasse effectivement, tout en s'en inspirant, selon le voeu de l'auteur, le projet kantien de "paix perpétuelle". On y retrouve les linéaments du programme de l'"éthique iscursive" proposé par Habermas et Apel, qui renouvelle l'ensemble de la tradition de l'éthique procédurale par l'une des démarches les plus intéressantes, à notre sens, de la pensée politique contemporaine. Cependant, les propositions reprises dans cet ouvrage concis mais passionnant nous semblent marquées par deux faiblesses, l'une pratique et l'autre philosophique. Sur le plan pratique, l'auteur semble en effet sous-estimer, à supposer qu'un modèle fédéraliste mondial soit souhaitable (ce qui en soi nous semble déjà discutable), la complexité comme le caractère flou et vague (au sens logique de ces deux termes) de cette véritable nébuleuse que constitue l'ensemble des acteurs non étatiques, de même que les antagonismes qui les caractérisent autant que les convergences qui pourraient fonder une "éthique de la discussion" d'extension mondiale. Sur le plan philosophique ensuite, où Habermas semble succomber, après avoir justement montré le "voile d'ignorance" qui ne pouvait pas ne pas caractériser l'expérience historique limitée dont Kant pouvait se prévaloir, à une forme d'idéalisme, voire d'angélisme, à l'endroit des acteurs non étatiques. Si ceux-ci sont en effet fondés à représenter dans certains cas la "conscience du monde" évoquée par Peter Willetts, ils incarnent tout autant les divisions interétatiques qu'ils reproduisent dans la sphère non étatique ou, pire encore, en recréent qui leur sont propres, par de nouvelles hiérarchies d'où la puissance, heureusement devenue symbolique, n'est certainement pas absente. On pourrait trouver là le fondement non pas de la certitude rationnelle et monologique d'un espace public mondial et transparent que Kant aurait anticipé et auquel Habermas voudrait croire, il est vrai sous une forme renouvelée et rendue dialogique, mais plutôt de l'incertitude qui plane sur la possibilité même de cet espace public. C'est là toute la différence entre l'espace public transparent et circonscrit, sensible à l'argumentation, porté par l'opinion d'une couche relativement réduite de citoyens cultivés du 18e siècle, et l'espace de turbulences où s'entremêlent aujourd'hui les formes diversifiées de l'étatique et de l'interétatique, dont on ne sait trop si elles sont justifiables d'une théorie du chaos ou de la logique des magmas, ou si l'ordre/désordre qu'elles constituent sont le prélude d'une reconstruction à l'échelle planétaire.